mulder french

MONTRÉAL – La carrière de 60 ans du docteur David Mulder dans le monde du hockey peut être retracée entre des points de suture à Bobby Orr, qui était alors un joueur de 15 ans des Generals d’Oshawa en 1963-64, et à un joueur des Devils du New Jersey en visite au Centre Bell de Montréal en mars dernier.

Après six décennies dans l’organisation des Canadiens de Montréal, Mulder a annoncé sa retraite en septembre à titre de médecin et chirurgien en chef de l’équipe, et il est aujourd’hui consultant auprès de leur équipe médicale.

Le 9 novembre, les Canadiens vont rendre hommage à Mulder et à l’équipe qui a remporté la Coupe Stanley en 1993 au cours d’un gala caritatif au Centre Bell au profit de la Fondation de l’Hôpital général de Montréal, du Fonds Serge Savard, qui vient en aide aux étudiants-athlètes de l’Université de Sherbrooke, ainsi que le Fonds d’urgence du centenaire des Canadiens, qui offre de l’aide financière aux anciens joueurs des Canadiens qui sont aux prises avec des problèmes de santé et de bien-être à court terme.

Un encan silencieux composé de 127 items servira à amasser des fonds supplémentaires.

Mulder Savard 2019

« Je me suis longtemps demandé ce que je devais dire, et comment raconter toutes ces histoires pour en faire quelque chose qui avait un sens, a confié Mulder au cours d’une conversation avec NHL.com samedi. Dès mon accession aux rangs juniors jusqu’à aujourd’hui, j’ai compilé un nombre incroyable d’histoires. Je veux m’assurer que les fonds qui seront amassés vont apporter une grande aide à de nombreux Québécois. »

Au cours des 60 ans qu’il a passés au sein de la famille des Canadiens, Mulder a travaillé pour six groupes de propriétaires, 10 directeurs généraux et 21 entraîneurs différents. Le Tricolore a remporté 12 de ses 24 championnats de la Coupe Stanley pendant que le médecin prodiguait des soins à leurs joueurs, que ce soit dans les rangs juniors, dans les mineures, ou dans la LNH.

Il a noué de profondes amitiés au cours de ces années, a traité des idoles de l’équipe comme Maurice Richard et Jean Béliveau jusqu’aux derniers jours de leur vie, a vu Saku Koivu effectuer un retour au jeu après avoir vaincu un lymphome non Hodgkinien, et a sauvé la vie, au sens propre comme au figuré, de plusieurs autres.

« J’ai tellement de souvenirs, mais celui qui me touche le plus encore aujourd’hui est celui de la soirée où Saku est revenu au jeu après son cancer », a raconté Mulder au sujet du retour du capitaine au Centre Bell le 9 avril 2002.

« J’étais assis dans le petit bureau des médecins avant le match, et moi et Saku avons eu une réunion très émotive. Il est allé sur la glace et a reçu une très longue ovation. C’est probablement l’expérience la plus émotive que j’ai pu vivre. »

Mulder 2019

Les soins que Mulder a prodigués à Brian Savage en 1999 et Max Pacioretty en 2011, deux joueurs qui ont subi une fracture à une vertèbre, ainsi qu’à Trent McCleary, dont la fracture du larynx et un affaissement du poumon à la suite d’une rondelle reçue à la gorge en 2000 ont requis une trachéotomie d’urgence alors que le joueur avait toujours ses patins aux pieds, font aussi partie de ses faits d’armes.

La grave blessure subie par McCleary allait inspirer une refonte des politiques de la LNH. Le siège habituel de Mulder se trouvait alors dans les estrades, derrière un filet, mais le président des Canadiens à l’époque, Pierre Boivin, a rapidement exigé qu’il soit déplacé dans la première rangée derrière le banc de l’équipe, afin qu’il se trouve à quelques pieds de la glace et de la clinique. La LNH a imposé cette modification dans toute la ligue.

Des centaines de joueurs et leur famille ont bénéficié des soins et des traitements de Mulder au fil des ans, sans oublier les milliers de personnes qu’il a croisées dans un hôpital.

Natif d’Eston, en Saskatchewan, Mulder est débarqué à Montréal en 1963, alors qu’il voulait terminer sa formation médicale après avoir obtenu son diplôme en médecine de l’Université de la Saskatchewan en 1962. Il voulait ensuite retourner chez lui afin d’entreprendre une carrière de chirurgien.

Mulder Beliveaus 2006

Le Dr David Mulder (à l'extrême droite) avec la légende des Canadiens Jean Béliveau après que ce dernier eut accepté un doctorat honorifique de droit de l'Université McGill. À partir de la gauche: la fille de Béliveau, Hélène, sa petite-fille Magalie, son épouse Élise, Béliveau et sa petite-fille Mylène.

Soixante ans plus tard, à l’âge de 85 ans, il demeure un monument de la médecine dans sa ville d’adoption de Montréal et ailleurs, en plus d’avoir été un pionnier dans les soins, l’enseignement et la recherche à l’Hôpital général de Montréal. En 2015, l’hôpital a nommé son centre de traumatologie de renommée mondiale d’après le Dr Mulder, qui a agi à titre de chirurgien en chef et comme président du département de chirurgie de cet établissement, ainsi que comme directeur du département de chirurgie cardiovasculaire et thoracique de l’Université McGill.

Mulder est arrivé à Montréal au début des années 1960, à la suite d’une invitation de H. Rocke Robertson, qui venait d’être nommé président du département de chirurgie à l’Hôpital général de Montréal. Débarqué en juillet 1963, il ne savait pas encore que cette ville allait devenir son nouveau domicile.

Il s’est joint à la famille des Canadiens en septembre 1963 à la requête du Dr Douglas Kinnear, le médecin en chef de l’équipe. Mulder était l’un des trois médecins résidents de McGill qui avaient été recrutés pour donner un coup de main aux Canadiens Junior, qui remplissaient le Forum de Montréal les dimanches après-midi.

Armés d’aiguilles et de beaucoup de fil, à une époque où les joueurs jouaient sans casque et avec un équipement plus rudimentaire, ce trio était payé 10 $ par match, « ce qui voulait dire que nous pouvions occasionnellement nous payer un repas supplémentaire », s’est souvenu Mulder.

Mulder 1991-92 medical staff

Le Dr David Mulder avec le capitaine des Canadiens Guy Carbonneau, l'adjoint au capitaine Brian Skrudland et le personnel médical de l'équipe au cours de la saison 1991-92. À partir de la gacuhe: Mulder, Dr John Little, Dr Douglas Kinnear et Dr Eric Lenczner.

C’est à cette époque que la vedette en devenir Bobby Orr s’est pointé à la clinique du Forum en saignant abondamment en raison d’une coupure au front.

« Les lacérations du cuir chevelu peuvent saigner énormément, a expliqué Mulder. Le Dr Kinnear était avec moi, et il me supervisait afin de voir si j’allais être en mesure de bien recoudre Bobby. J’ai accompli le travail à sa satisfaction.

« Nous tentions de le retourner le plus rapidement possible sur la glace lorsque Bobby a dit : “Juste une minute, est-ce que je pourrais avoir une serviette mouillée?”. Je lui ai répondu : “Je viens de te nettoyer, tu peux y retourner.” Bobby s’est mis à quatre pattes avec sa serviette mouillée pour nettoyer les traces de sang qu’il avait répandu en entrant dans la clinique. C’était un geste incroyable. Il était un athlète exceptionnel, mais aussi une personne exceptionnelle. »

Le dernier joueur à qui Mulder a fait des points de suture était un joueur du New Jersey en visite le 11 mars dernier, au cours de la dernière visite des Devils à Montréal pour cette saison. Il ne se souvient pas du nom du joueur qui s’était fait amocher dans cette partie où aucune punition n’avait été décernée, mais il se souvient que cette coupure mineure avait nécessité seulement quelques points de sa part et de celle du médecin de l’équipe Kosar Khwaja, soit moins que ce dont avait eu besoin Orr 60 ans plus tôt.

Mulder family

Le Dr David Mulder chez lui avec son épouse, Norma, et leurs enfants (à partir de la gauche) John, Elizabeth et Scott.

C’est au cours de son passage avec les Canadiens Junior et leurs visiteurs au Forum que Mulder a rencontré pour la première fois Jean Béliveau, qui était en 1963 à sa deuxième saison comme capitaine des Canadiens.

Kinnear n’était pas disponible et le DG Sam Pollock a demandé à Mulder d’examiner Béliveau, qui souffrait d’une infection mineure en raison d’une coupure.

« Ce n’était rien de sérieux, c’était une lacération qui avait rougi un peu, a raconté Mulder. C’était probablement un dimanche dans la clinique du Forum, et j’ai probablement donné à Jean des antibiotiques.

« Mais il a été tellement reconnaissant. Mon Dieu, il y avait Jean Béliveau qui me remerciait. Il s’agissait de notre premier véritable contact. Il était très chaleureux, avec beaucoup de proximité. Il était vraiment authentique. Il faut comprendre, j’étais un jeune homme de la Saskatchewan, qui s’émerveillait encore de presque tout, et qui se trouvait dans la même pièce que Jean Béliveau. Ça avoisinait le culte voué au héros. »

Mulder a aussi travaillé pour le club-école des Canadiens dans la Ligue américaine de hockey à la fin des années 1960, puis après avoir passé deux ans à étudier la chirurgie cardiothoracique à l’Université de l’Ohio, il a rejoint Kinnear dans la LNH à titre d’adjoint à ce dernier en 1970-71. Il a occupé ce poste jusqu’à ce qu’il soit nommé médecin de l’équipe en 1998.

« Je n’ai jamais au grand jamais considéré ça comme un travail », a assuré Mulder au sujet de son emploi avec « le grand club » comme il appelait les Canadiens. « C’était davantage une vocation. »

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En octobre 2015, les Canadiens ont rendu hommage à Mulder au cours d’une cérémonie avant la mise en jeu initiale. Son épouse, Norma, leurs trois enfants – Scott, Elizabeth et John – ainsi que deux des conjointes de ses enfants et sept de leurs neuf petits-enfants étaient à ses côtés.

Cette semaine, pour le gala caritatif, environ 1000 invités sont attendus au Centre Bell pour exprimer leur admiration à une modeste légende. La famille Mulder sera aussi présente, tout comme son frère et sa sœur, qui sont respectivement médecin de famille et infirmière clinicienne à Red Deer, en Alberta, ainsi que plus de 20 membres de l’édition championne des Canadiens de 1993.

Photo principale: Le Dr David Mulder en 2023 à l’Hôpital général de Montréal, dans une photo prise le 9 novembre 2023 en prévision du gala qui allait être organisé en son honneur.