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Nicole Bouchard bourlingue dans le hockey à Québec depuis bientôt 43 ans, ayant fait ses débuts chez les Nordiques de Québec pour lesquels elle a œuvré pendant plus de 14 ans jusqu'à leur départ en 1995.

De fil en aiguille, elle a amorcé sa plus grande aventure avec les Remparts de Québec dans la LHJMQ en 2002. Véritable femme-orchestre, elle a entre autres été la fidèle lieutenante de Patrick Roy, qui n'hésitait pas à la qualifier de « vraie DG » des Remparts. Vendredi dernier, la petite fille de Charlesbourg a été élevée au poste d'adjointe au nouveau directeur général des Remparts, Simon Gagné.

C'est en quelque sorte une première historique dans la LHJMQ. Nicole serait la deuxième femme à occuper un poste de direction au sein d'une équipe. En 1984-85, Claire Saint-Martin Méthot a brièvement agi comme directrice générale des Pioneers de Plattsburgh. Elle était l'épouse du propriétaire Denis Méthot. Les Pioneers, première équipe américaine dans la LHJMQ, n'ont existé que pour 17 matchs.

Défricheuse de l'avancement des femmes dans le hockey, Nicole Bouchard est en quelque sorte la « Chantal Machabée de Québec ».

1. Avant toute chose, merci Nicole de te prêter au jeu des cinq questions. Pour commencer, d'où vient cet amour pour le hockey?

Sûrement de mon père Clément, qui a été un « fan » des Nordiques dès leur arrivée dans l'Association mondiale de hockey (AMH) en 1972. Je me souviens d'être allée à plusieurs matchs avec lui et nous suivions même les Remparts vers la fin des années 1970. À l'école, je participais à toutes les promotions qu'il y avait pour assister à des matchs. J'aimais beaucoup ça.

D'ailleurs, mon arrivée chez les Nordiques a été un concours de circonstances vraiment bizarre. J'ai participé à un concours à la station de radio CKCV et j'ai gagné une paire de billets et un souper à un match des Nordiques. J'avais pu rencontrer le directeur du marketing de l'équipe, Claude Bernard. Un peu plus tard, au Cégep, quand est arrivé le moment de planifier un stage, j'ai pensé le faire chez les Nordiques. Après quelques semaines, ils m'ont engagé. C'était en janvier 1981 à l'occasion de la réouverture du Colisée, après les travaux d'agrandissement. On m'avait dit : « Ce serait le "fun" que tu viennes nous aider ». Je ne suis jamais repartie.

2. Quelles étaient tes tâches au début?

J'étais adjointe administrative sous Michèle Lapointe, qui m'a pris sous son aile. Elle a été une mentore. C'est une fille de Québec, comme moi. Elle était en poste depuis plusieurs années, ayant vécu l'aventure de l'AMH. Je l'ai côtoyée entre 1981 et 1986. En 1986, le fameux soir du Vendredi saint à Montréal, j'étais très triste. Premièrement, parce que nous avions perdu le match et, deuxièmement, parce que je savais que Michèle quittait les Nordiques, elle me l'avait dit. Elle ne savait pas trop ce qu'elle allait faire, mais les Canadiens de Sherbrooke l'ont vite recruté. Elle a gagné la Coupe Calder avec eux, avant de joindre les Canadiens de Montréal, pour lesquels elle a longtemps travaillé.

Au fil du temps, j'ai changé de poste. J'ai été coordonnatrice aux relations publiques, puis aux relations avec les médias avec Jean-Paul Tellier et Bernard Brisset. J'ai touché à tout et j'ai grandi là-dedans jusqu'au départ des Nordiques en 1995.

2a. Sous-question ici : avec la vente des Nordiques, aurais-tu pu avoir la possibilité de suivre l'équipe au Colorado?

Non pas réellement. L'équipe est partie en mai et mon contrat s'est terminé en août. Je regardais à gauche et à droite ce que je pouvais faire, mais pas tant que ça. À l'automne, j'ai prêté main-forte aux organisateurs du tournoi de tennis Challenge Bell de Québec.

Par après, Bernard Brisset, qui était rendu chez les Canadiens, m'a contacté pour que j'aille les aider en vue de la fermeture du Forum et de l'ouverture du Centre Molson, à l'époque. Je suis allée passer quelques mois à Montréal au début de 1996.

À mon retour, il y a eu l'aventure des Rafales de Québec, dans la Ligue internationale de hockey, à compter de septembre 1996, pendant deux ans.

Parallèlement à ça, j'ai continué mon implication dans le tournoi de tennis. Au total, j'y ai passé 15 ans. Avant l'implantation à Québec en 1999 de l'équipe-école des Canadiens dans la Ligue américaine, les Citadelles, j'ai travaillé pendant six mois dans une usine de bois de sciage.

Les Citadelles, c'était un projet des Tanguay. Je ne les connaissais pas. J'ai demandé à des membres des Canadiens, dont Réjean Houle, d'établir le contact avec eux. J'ai rencontré Raymond Bolduc, qui était impliqué avec eux chez les Remparts, et on a retenu mes services. Les Citadelles sont restées trois ans. Nous occupions les mêmes bureaux que les Remparts. Après leur départ pour Hamilton, on m'a dit : « Tu continues avec les Remparts ». Ç'a été le début de ma dernière grande aventure.

3. En 2005, tu occupais déjà une grande place dans l'organisation des Remparts et tu vois débarquer à la barre le nouvellement-retraité-monument-du-hockey Patrick Roy. De quelle façon s'est créée la relation?

La première chose que je lui ai dite a été : « Je ne t'aimais pas quand tu jouais parce que tu battais tout le temps les Nordiques. J'espère que ça va aller mieux avec les Remparts ». Il avait trouvé ça drôle. Peut-être a-t-il vu en moi une fille au fort caractère. Ce n'était pas tant le cas. J'étais plutôt timide et réservée, mais d'avoir travaillé avec lui pendant si longtemps a forgé mon caractère.
Il m'a appris à sortir de ma coquille. Il n'hésitait pas à me mettre à l'avant-scène, en disant que j'étais la vraie DG des Remparts. Il m'a donné du cran. En étant avec une bande de gars, j'ai appris à me défendre et à prendre ma place petit à petit.

J'estime que ç'a été une chance pour moi d'avoir Patrick Roy sur mon chemin. Ç'a été un énorme privilège de le côtoyer au quotidien. J'ai vu plusieurs entraîneurs au cours de ma carrière, mais un passionné et un homme dédié à la réussite comme lui, c'est très rare.

On dit souvent de quelqu'un que sa passion dans la vie c'est le hockey, mais pour lui sa vie c'est le hockey.

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4. Tu n'étais pas sans savoir que Patrick pouvait tirer sa révérence après cette saison, surtout dans le contexte où les Remparts ont tout raflé, avais-tu vu venir la proposition qu'on t'a faite?

Non, je ne m'y attendais pas. Dans le fond, comme je le répète depuis l'annonce, ça ne changera pas grand-chose à tout le travail de logistique et de planification que je fais déjà. Mais d'avoir le titre d'adjointe au DG, c'est une super marque d'appréciation. Ça me touche énormément.

Simon (Gagné) va s'occuper du volet hockey. Comme le dossier de l'embauche du prochain entraîneur, c'est lui qui va le gérer. J'aurai peut-être mon mot à dire. Avec toute l'expérience que j'ai, je me permettrai de donner mon opinion, s'il y a lieu.

4a. Je me permets une autre sous-question ici : c'est une barrière importante que tu fais tomber. Les organisations sportives font une plus grande place à la gent féminine. Quel conseil donnerais-tu à de jeunes filles désireuses de suivre tes traces?

Le principal conseil serait de bien s'adapter à une « gang » de gars. Pour ça, la discrétion est de mise et c'est également primordial d'établir ses propres limites.

5. À l'âge de 61 ans, la passion est-elle toujours au rendez-vous?

J'ai encore la passion. Comme je le dis souvent, je n'ai pas eu d'enfant, tous ces jeunes de 16 à 20 ans que j'ai connus sont ma gang d'enfants.

La saison qui vient de prendre fin est particulière. Tout le monde s'en va, les joueurs partent après quatre ans, même cinq ans dans un cas. On les a vus grandir. Il faut repartir un cycle, y aller une étape à la fois. Il reste quelques joueurs qui seront appelés à jouer un rôle plus important. Pour nous, la culture mise en place doit rester. Nous avons mis cinq ans à la bâtir, il faut recommencer avec la même base. C'est aux plus jeunes d'être des courroies de transmission pour les nouveaux. Un plus vieux comme l'attaquant Kassim Gaudet, qui a contribué aux succès de l'équipe en séries et au tournoi de la Coupe Memorial, va montrer la voie aux autres.

Photos :Vincent Éthier / LHJMQ