Jessica Campbell SEA assistant on ice

Quand le Kraken de Seattle a annoncé que Dan Bylsma devenait le nouvel entraîneur-chef de l’équipe le 28 mai, beaucoup d’effervescence s’est fait sentir chez certains observateurs de la LNH. Pas exactement en lien avec Bylsma, même si l’homme de 53 ans est un entraîneur respecté qui a remporté la Coupe Stanley avec les Penguins de Pittsburgh en 2009.

C’était plutôt en raison de l’effet d’entraînement que cette embauche pourrait créer.

En raison de Jessica Campbell.

Campbell a passé les deux dernières saisons à titre d’entraîneuse adjointe au sein du personnel de Bylsma avec les Firebirds de Coachella Valley, dans la Ligue américaine de hockey. Son nom émergeait de plus en plus dans le milieu du 'coaching'. On disait qu’elle pourrait suivre les traces de Becky Hammon dans la NBA, de Jen Welter dans la NFL, et atteindre la LNH.

C’est ce qui s’est produit mercredi. Campbell a été nommée entraîneuse adjointe du Kraken, devenant ainsi la première femme à occuper un tel rôle à temps plein dans la LNH, la première qui travaillera derrière un banc de la LNH en saison régulière.

Il s’agissait d’un moment historique pour Campbell, pour le Kraken, pour la LNH.

« L’embauche de Jessica est une avancée significative pour le sport, car ça démontre qu’il y a de la place pour les femmes qui aspirent à être entraîneuses dans la LNH », a dit la directrice de l’Association des entraîneurs de la LNH Lindsay Pennal dans un courriel à LNH.com. « Cet emploi représente quelque chose que Jess voulait depuis plusieurs années. Elle a mis le travail nécessaire pour mériter cette occasion.

« Les équipes sont toujours à la recherche d'un avantage concurrentiel. Les joueurs veulent que les gens les aident à maximiser leur potentiel. Ne pas s’appuyer sur les perspectives et les talents de la moitié de la population est une énorme erreur. Il est raisonnable de supposer qu’il y aura un effet domino sur les ligues de développement à travers l’Amérique du Nord et qu’il y aura davantage d’opportunités pour les femmes. C’est ainsi que ce produit un changement durable. »

C’est une embauche qui avait du sens en raison de ce que Campbell a été en mesure de faire, autant à Coachella Valley que sur la scène internationale – elle a travaillé en tant qu’entraîneuse adjointe et entraîneuse des habiletés pour les Ice Tigers de Nurnberg dans la DEL, la meilleure ligue de hockey masculin en Allemagne, en plus d’avoir occupé le rôle d’entraîneuse adjointe pour l’équipe allemande au Championnat du monde 2022 de la FIHG.

Ça avait également du sens en raison de l’identité du Kraken.

Lorsque Ron Francis a passé une entrevue avec les propriétaires du Kraken pour devenir directeur général, on lui a dit que l’approche standard ne devait pas être la norme, que Seattle allait être une organisation différente des autres.

« On m’a encouragé – et je crois qu’il s’agissait de Jerry Bruckheimer – à sortir des sentiers battus », avait révélé Francis en 2020 à propos d’un des propriétaires. « N’opte pas pour la norme simplement parce que c’est la norme. Tu as l’occasion de penser autrement. N’aie pas peur de le faire. »

Ça n’a pas été le cas.

Le Kraken a été à l'avant-garde du mouvement visant à embaucher des femmes dans le sport dès l’une de ses premières embauches, nommant Alexandra Mandrycky comme directrice de l’administration hockey. Elle a joué un rôle dans la venue de Francis, puis, en 2022, elle a été promue au poste de directrice générale adjointe. L’équipe a ensuite ajouté à son personnel Cammi Granato, une légende du sport, à titre de dépisteuse. Granato est plus tard devenue directrice générale adjointe des Canucks de Vancouver.

C’est dans l’ADN du Kraken. Et ça rend le sport encore meilleur.

Comme Granato l’a écrit dans un courriel à LNH.com il y a quatre ans à propos du Kraken : « Ils sont vraiment ceux qui établissent les standards et qui brisent les barrières pour les femmes dans le sport. »

Mais ce n’est pas que le Kraken. Les femmes sont de plus en plus présentes dans la LNH depuis quatre ans. En plus de Granato, Kate Madigan (Devils du New Jersey), Meghan Hunter (Blackhawks de Chicago), Hayley Wickenheiser (Maple Leafs de Toronto) et Émilie Castonguay (Canucks) sont maintenant aussi des directrices générales adjointes dans la LNH. Il y a également Emily Engel-Natzke, embauchée comme entraîneuse vidéo par les Capitals de Washington en 2022, qui est devenue la première femme à occuper ce genre de poste à temps plein dans la LNH. Et on retrouve de plus en plus de femmes dans le secteur du dépistage.

Pennal a lancé le programme de développement de l’Association des entraîneuses de la Ligue nationale de hockey le 8 mars 2020, une organisation qui a eu un impact en permettant aux femmes de faire du réseautage, d'obtenir des opportunités, de voir ce qui est possible – et de faire en sorte que la LNH soit au fait du leur potentiel pour de futures embauches.

Ce qui s’est passé mercredi a été l’aboutissement de tout ce travail.

« Je suis évidemment honorée d'être dans cette position, a lancé Campbell. Vous parlez du mot 'première', d’être la première. Mais ce n’est pas sur cela que je me concentre. Mon attention est toujours sur le travail, sur l’impact, sur le boulot à accomplir. […] Mais je pense que le plus important est qu’on me rappelle souvent – et ça donne encore plus de signification au travail – que si l’équipe connaît du succès et que mon impact est positif, ça pourrait potentiellement ouvrir des portes à d’autres (femmes) et pousser les autres à penser différemment.

« Mais je tente vraiment de garder les yeux rivés sur ce qui importe au quotidien, de rester dans le moment présent, de rester dans les tranchées avec les joueurs. Bien que je sois honorée d’être la première, je ne veux pas être la seule, et je n’ai honnêtement pas l’impression d’être la seule dans cette organisation. »

Ça, pour elle, c’est spécial. Elle n’est pas la seule. Pas à Seattle. Pas dans la LNH. Ce n’est plus le cas aujourd'hui.

Mais dorénavant, Campbell va devenir la femme la plus en vue dans la LNH en se tenant derrière le banc du Kraken jour après jour.

« Il faut toujours croire que tout est possible, a dit Campbell. Peut-être dans une certaine naïveté, j’ai eu le courage de croire que cela pourrait être possible. Même si je ne voyais pas cela se produire réellement, je croyais que je pourrais y parvenir. Et je pense qu'avec cette conviction intérieure, quelle qu'elle soit, dans le sport ou dans la vie, vous pouvez réaliser tout ce en quoi vous croyez.

« Je pense que c’est ce qui est spécial, et je suis fébrile d’être ici à Seattle. Qu'il s'agisse du premier match d'une jeune fille ou d'un jeune garçon dans la LNH, ils ne verront jamais rien de différent de ce qu'ils pourraient éventuellement devenir. Je suis heureuse de jouer ce rôle et d’être ce modèle pour les jeunes. »