Vincent Desharnais badge Marcotte

Notre chroniqueur Anthony Marcotte nous parle de l'actualité chez le Rocket de Laval, ainsi que dans l'ensemble de la Ligue américaine de hockey (LAH). Il permettra aux partisans de suivre assidûment ce qui se passe dans l'antichambre de la meilleure ligue de hockey au monde.
Le 9 juin 2012, Vincent Desharnais était assis dans les gradins du vieux Colisée de Québec avec quelques coéquipiers du collège Ulysse de Terrebonne à l'occasion du repêchage de la LHJMQ. Il avait des chances légitimes d'être repêché dans les cinq premiers tours de l'encan, les rondes limites pour jeter son dévolu sur des patineurs de 15 ans.

Le longiligne défenseur qui fait 6 pieds 1 pouce, mais seulement 145 livres, voit défiler des noms qu'il connaît bien sur le podium. Daniel Audette, un ancien coéquipier dans le hockey AAA d'été, devient le tout premier choix de la nouvelle concession du Phoenix de Sherbrooke. Puis vont s'enchaîner plusieurs vieux chums, comme Julien Nantel et Alexandre Carrier. Deux coéquipiers de son programme à Ulysse; Raphaël Maheux et Jérémy Auger deviennent respectivement des sélections des Foreurs de Val-d'Or et des Voltigeurs de Drummondville.
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Les rondes se sont succédé, le cinquième tour s'est terminé, et deux autres coéquipiers plus âgés ont été repêchés un peu plus tard. Le rêve s'envolait.
« Je voulais tellement jouer dans le junior majeur », a dit Vincent Desharnais, désormais sous contrat dix ans plus tard avec les Oilers d'Edmonton. « J'ai tellement pleuré, c'était épouvantable. Je ne pouvais pas croire ce qui m'arrivait. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps sur le chemin du retour à la maison vers Laval. J'étais anéanti. »
Une expérience malheureuse au repêchage de la LHJMQ comme celle de Vincent Desharnais, plusieurs l'ont connue au fil des années. Sauf que peu de joueurs ont été capables de se reconstruire jusqu'à atteindre les portes de la LNH. Encore aujourd'hui, Desharnais réalise que c'est son entourage qui lui a permis de trouver les bons outils pour faire fi de la déception et de continuer à croire à son rêve.
« Je me souviens que mes deux entraîneurs à Ulysse, Christian Sauvageau et Christian Kulczycki, avaient tout fait pour me remonter le moral, a raconté Desharnais. Je me souviens qu'ils me disaient qu'il y avait toutes sortes de chemins pour continuer de se développer, que tout ça ne s'arrêtait pas à 15 ans. Je refusais de les croire. Aujourd'hui, je réalise à quel point ils avaient raison et je ne les remercierai jamais assez pour leurs encouragements. »
Effectivement, la progression de Desharnais ne s'est pas arrêtée là. Non seulement s'améliorait-il à vitesse grand V sur la patinoire, mais il a aussi grandi et pris de la masse musculaire. À peine un an plus tard, il faisait 6 pieds 4 pouces et près de 200 livres quand l'Armada de Blainville-Boisbriand a jeté son dévolu sur lui en 11e ronde après une saison passée dans une école secondaire préparatoire, la Northwood Academy, à Lake Placid dans l'État de New York.
Ce passage aux États-Unis a été une bénédiction pour Desharnais. Il est tout simplement tombé en amour avec l'idée de porter les couleurs d'une université américaine afin d'y poursuivre son développement.
« Nous avions assisté à un match entre les universités Cornell et Yale, une grosse rivalité, se remémore-t-il. L'expérience était complètement folle. J'avais été impressionné par le campus de Cornell, et par l'esprit de famille qui y régnait. C'est à ce moment que j'ai eu la piqûre et que j'ai fait des États-Unis ma priorité. »
L'option de l'Armada demeurait tout de même séduisante, d'autant plus que ses parents étaient bénévoles lors des parties locales de l'équipe. Desharnais aurait pu jouer à quelques jets de pierre de la maison familiale. Et ce n'est pas parce que Joël Bouchard n'a pas essayé de le convaincre!
« Nous avions rencontré Joël et il nous a présenté un plan très intéressant, a expliqué Desharnais. J'y ai réfléchi sérieusement, mais mon idée était déjà faite. J'étais convoité par Cornell et Providence College et je me doutais bien que j'obtiendrais une bourse d'études complète pour y aller. Et quelque part en dedans de moi, je voulais faire mentir toutes les équipes juniors qui avaient levé le nez sur moi au repêchage. Ça m'a permis de sortir de ma zone de confort. Je suis persuadé que je ne serais pas devenu le joueur que je suis aujourd'hui si j'étais demeuré à la maison. »
Après une année passée à Chiliwack en Colombie-Britannique dans la BCHL, Desharnais a effectivement pris la direction de Providence College pour enfiler l'uniforme des Friars. Desharnais goûtait pour la première fois à l'expérience des universités américaines, dans un riche milieu de la Nouvelle-Angleterre où le sport occupe une place importante dans le cœur des gens.
« Ça a été les plus belles années de ma vie », a poursuivi le volubile défenseur qui allait devenir la sélection de septième tour des Oilers au repêchage 2016. « C'est incroyable comment le fait de jouer pour les Friars m'a permis de créer des liens à travers le monde. J'ai pris beaucoup de sagesse et de maturité pendant mes quatre années là-bas. Sur la glace, je gère beaucoup mieux mes erreurs. Le sport, c'est 95 pour cent mental. »
Mais n'allez pas croire que les Oilers lui ont tout donné sur un plateau d'argent depuis son repêchage. Absolument pas. Desharnais a disputé ses quatre saisons à Providence avant de se voir offrir un contrat de deux ans de la Ligue américaine. Au terme de cette entente, il en a signé une autre d'une saison. Chaque fois, celui qui fait désormais 6 pieds 7 pouces et 230 livres a souhaité demeurer avec les Oilers.
« Après mes quatre années universitaires, j'étais sur le point de signer une entente avec l'équipe, mais le congédiement de Peter Chiarelli a complètement chamboulé les plans, se souvient-il. J'ai dû attendre des mois avant qu'on m'offre un contrat de la LAH. Depuis, j'ai toujours voulu rester avec les Oilers parce que j'aime leur encadrement et la manière dont ils me poussent à réussir. Maintenant que je touche à mon but, je suis encore plus motivé à l'idée de porter les couleurs des Oilers après tant d'années dans l'organisation. »
Desharnais croit donc en ses chances d'accéder à la LNH dans un futur rapproché. Il connaît une saison absolument remarquable avec les Condors de Bakersfield où il mène la Ligue américaine avec une fiche de plus-35. Son physique imposant lui permet de défendre admirablement bien son filet et il a même été en mesure de générer 25 points en 57 parties jusqu'à maintenant.
Il peut donc entrevoir l'avenir avec optimisme à Edmonton, surtout depuis que son ancien entraîneur à Bakersfield, Jay Woodcroft, est devenu l'entraîneur des Oilers et que son principal adjoint, Dave Manson, l'a accompagné avec le grand club. Manson s'avère un précieux conseiller pour le jeune homme.
« Je suis très proche de Dave; il a été un précieux mentor pour moi et continue de l'être, estime Desharnais. Quand j'ai signé mon contrat, il a été un des premiers à qui j'ai annoncé la nouvelle. Je voulais le remercier pour son aide, mais il ne voulait rien savoir! Il voulait que je sache que tous les efforts, c'est moi qui les ai faits. J'ai aimé son approche et j'espère avoir la chance de jouer pour lui de nouveau. »
En guise de conclusion, Desharnais tenait à laisser un message à un jeune qui pourrait se sentir visé par ce parcours atypique.
« Jouer dans la LNH, c'est mon rêve depuis que j'ai 4 ans. Je suis un gars bien simple de Laval qui pratiquait à l'aréna Dagenais. Je pensais que mon rêve était fini quand je n'ai pas été repêché dans le junior majeur à 15 ans. Quand quelqu'un te dit que de ne pas être repêché dans la LHJMQ, ce n'est pas la fin du monde, il faut le croire. Ce ne sera peut-être pas facile, tu auras peut-être des obstacles en cours de route, mais tu deviendras une meilleure personne et un meilleur joueur de hockey. »