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C’est dans les allées d’une épicerie située au nord de Montréal, il y a une dizaine d’années à peu près, que Pierre Houde a vraiment réalisé l’impact qu’il a sur les auditeurs.

La très populaire voix en français des Canadiens de Montréal cherche encore les mots pour décrire à quel point il apprécie d’avoir été nommé récipiendaire du prix commémoratif Foster-Hewitt 2024.

Nommé en l’honneur du pionnier en matière de diffusion du hockey, le prix Hewitt est remis annuellement depuis 1984 par le Temple de la renommée du hockey et ce, à un membre de l’industrie de la télévision et de la radio qui a apporté une contribution exceptionnelle à sa profession et au hockey en général. La personne candidate retenue est sélectionnée par l’Association des diffuseurs de la LNH.

Personnalité de la télé et de la radio depuis un demi-siècle, Houde décrit les matchs des Canadiens à RDS depuis 1989, quand le réseau a fait l’acquisition des droits de télédiffusion de l’équipe. Après 3500 matchs au compteur, selon sa propre estimation, sa voix est une des plus connues au Québec, là où le catholicisme et les Canadiens sont peut-être considérés comme les deux plus importantes religions de la province.

Mais c’est un moment où il était loin d’un micro qui l’a le plus marqué jusqu’ici.

« J’étais au téléphone dans une épicerie, près d’une femme qui avait son jeune garçon dans son panier, a raconté Houde. Nous nous sommes croisés et quand mon appel était terminé, elle est revenue me voir pour me demander, ‘Êtes-vous Pierre Houde? Je ne vous connais pas mais mon fils connaît votre voix’. »

Houde est souvent reconnu en raison de sa voix de baryton, ce qui fait qu’à ce moment-là, cette façon de l’aborder n’était pas chose rare. Ça lui faisait plaisir de s’arrêter, étant reconnaissant que cette jeune mère fasse preuve de gentillesse à son endroit.

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Le descripteur Pierre Houde (au centre) avec l'analyste Yvon Pedneault (à gauche) et l'animateur Denis Caron dans les studios de RDS le 15 octobre 1989. C'est la veille de la première émission de hockey du jeune réseau, une victoire de 4-3 en prolongation des Capitals de Washington contre les Canadiens de Montréal.

« Et puis j’ai regardé le garçon, qui avait peut-être cinq ans, il était très petit, et j’ai remarqué qu’il ne regardait nulle part, a-t-il indiqué. J’ai réalisé qu’il était aveugle. Il ne me connaissait pas de vue, mais par ma voix. Je lui ai parlé et sa mère m’a dit, ‘C’est tellement réconfortant pour lui’. J’étais presque au bord des larmes.

« Deux allées plus loin, je les ai encore croisés. J’ai demandé au garçon, ‘Aimerais-tu que je fasse une description de hockey où tu es le joueur vedette ?’ Il avait un grand sourire au visage et sa mère était folle de joie. Alors j’ai décrit une séquence de jeu à partir de la zone défensive jusqu’au gardien et le jeune garçon a marqué un superbe but. Son visage s’est illuminé. »

Ce moment loin des projecteurs illustre, en partie, dans quelle mesure Houde est adoré au Québec, pour bien plus que son rôle de descripteur des matchs des Canadiens.

Parfaitement bilingue, ce gentilhomme affable de 67 ans est peut-être tout aussi populaire chez les partisans de hockey anglophones, qui sont des milliers à syntoniser les télédiffusions des matchs en français en raison de son style énergique, de ses vastes connaissances et de sa description signature, « Et le buuuuut! », qu’il exclame en étirant le son du dernier mot en crescendo à la suite d’un but marqué par les Canadiens.

Et pendant des années, en anglais, Houde avait sa chronique régulière sur les ondes de la station de radio CHOM-FM durant l’émission du matin de Terry DiMonte. Ses interventions étaient incontournables à cause de ses opinions bien réfléchies sur le hockey, le sport automobile et plus encore.

« Je suis très fier du fait d’avoir eu autant de soutien de la part de la communauté anglophone, a-t-il affirmé. Ce sont des liens précieux. »

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Pierre Houde (à gauche) avec l'analyste Marc Denis dans la cabine de diffusion de RDS au Centre Bell le 17 octobre 2024.

La carrière de Houde a commencé à la radio montréalaise quand il était âgé de 18 ans, aux côtés de son regretté frère, Paul. Ce dernier était un géant de l’industrie de la radio et de la télé québécoise qui était de trois ans son aîné et qui est décédé au mois de mars dernier à la suite de complications découlant d’une chirurgie du cerveau.

Voulant d’abord faire carrière comme comptable agréé, Pierre Houde a ensuite changé d’idée et a plutôt complété des études en marketing. Travaillant pour une station de radio musicale les fins de semaine, et parlant de sport entre les chansons, Houde a attiré l’attention d’un producteur de Radio-Canada. Il a été embauché par le réseau national de télé de langue française pour décrire les épreuves d’aviron, de canoë et de kayak aux Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles.

Houde a alors été une révélation, cherchant à raconter des histoires d’intérêt humain en plus de décrire les courses et de réciter les habituelles statistiques. Son talent n’est pas passé inaperçu et, en 1989, RDS l’a embauché.

Au fil d’une carrière qui se poursuit toujours de plus belle, Houde a décrit des dizaines de rondes de séries éliminatoires de la Coupe Stanley et la Finale de la Coupe Stanley à 12 reprises. Depuis 1993, il décrit aussi les courses de Formule 1 pour RDS et il a participé à la télédiffusion de 13 éditions des Jeux olympiques, notamment cet été à Paris dans le rôle d’animateur en studio du réseau aux heures de grande écoute.

C’est le hockey olympique qui a permis à Houle de vivre son moment le plus grisant à titre de descripteur, lorsque Sidney Crosby a marqué le « but en or » qui a permis à Équipe Canada de remporter la médaille d’or aux Jeux olympiques de 2010 à Vancouver.

« Bien que j’aimerais avoir des souvenirs de cette ampleur qui sont en lien avec les Canadiens, et il y a plein de matchs du Tricolore dont je pourrais parler, ce but à Vancouver était tellement important et ce, pour bien des raisons », a-t-il indiqué.

« Quand j’ai décrit le but de Sidney, j’ai arrêté de parler parce que je voulais que les gens dans leurs salons savourent le moment sans que je vienne les interrompre. C’est le plus grand moment qui me vient en tête. »

Houde considère qu’il y a un dénominateur commun entre tous les sports qu’il décrit, d’été ou d’hiver.

« La base c’est toujours, ‘Où se situe la trame dramatique, le facteur humain, quelle est la réalité qui se déroule devant nous ?’ Tout part du fait que ce sont des êtres humains qui compétitionnent en direct, qui essaient d’être les meilleurs dans ce qu’ils font. Le hockey est quelque chose où tu dois être une demi-seconde en avance sur ce qui va arriver, sinon c’est déjà certain que tu vas être en retard. »

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Pierre Houde avec Gary Bettman, commissaire de la LNH, à l'hôtel Bonaventure le 17 novembre 2017, lors d'une séance de questions-réponses avec la communauté d'affaires dans le cadre des célébrations du 100e anniversaire de la Ligue.

Houde est le 45e récipiendaire du prix Hewitt, le septième qui ait considéré les Canadiens comme étant « son » équipe, même s’il a souvent été appelé à travailler bien loin de Montréal. Il est extrêmement fier de rejoindre les rangs de six légendaires descripteurs et analystes du Québec qui l’ont précédé soit, en français, René Lecavalier, Richard Garneau et Gilles Tremblay; et, en anglais, Danny Gallivan, Doug Smith et Dick Irvin fils.

Les francophones honorés avant lui, tous décédés maintenant, étaient des amis et des mentors, des personnes qui l’ont inspiré et lui ont enseigné beaucoup de choses. Irvin fils, maintenant âgé de 92 ans, un ami cher, lui a fait parvenir ses félicitations au mois de mai dernier quand il a pris connaissance de sa nomination pour le prix Hewitt 2024.

Honoré de faire partie d’une aussi grande équipe, Houde est très fier de l’amitié qu’il avait tissée avec le regretté Bob Cole, le récipiendaire du prix Hewitt 1996, au crépuscule de la vie de l’emblématique descripteur de Hockey Night in Canada.

Houde a tenu à partager le mérite de ce prix avec les nombreuses personnes qui l’ont aidé à se faire une place dans le monde de la diffusion, et qui l’ont épaulé tout au long de sa carrière. Paul Houde a toujours défendu la cause de son frère cadet, et Pierre considère le prix Hewitt « comme un grand cadeau de Paul, qui a toujours été un de mes plus grands promoteurs ».

« Il y a tellement de gens qui ont eu leur mot à dire dans tout ceci. Ce n’est pas tant que tu sentes que tu ne le mérites pas, mais tu te sens particulièrement honoré par cette marque de reconnaissance. Je me sens plus petit d’une certaine façon, petit de faire partie de cette réalité tout à fait exceptionnelle.

« René Lecavalier m’a donné le meilleur conseil. Il m’avait dit, ‘Il ne faut jamais perdre la capacité des’émerveiller. Ce sera ton principal ingrédient pour connaître une longue carrière’.

« J’ai toujours juste voulu faire mon travail au meilleur de mes capacités et être respectueux à l’égard du sport et de mon auditoire. Tu veux savourer ta passion à chaque jour qui passe. »