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C'était il y a environ 10 ans, au centre d'entraînement des Canadiens de Montréal, alors que P.K. Subban discutait avec une large meute de journalistes, son équipement éparpillé un peu partout sur le banc derrière.

Soudainement, le vétéran défenseur Andrei Markov s'est approché de son propre casier, voisin de celui de Subban. Voyez-vous, la manche du chandail de Subban avait traversé la ligne entre les deux casiers de quelques centimètres. L'arrière russe préparait son coup, en cachant le sourire sur son visage.
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Puis, il s'est étiré vers l'arrière, a pris une respiration profonde, a joué la comédie pour laisser croire qu'il était indigné, avant d'étirer son bras vers le banc de Subban pour jeter tout son équipement sur le plancher.
Ce fut le silence.
Markov a alors regardé Subban directement dans les yeux, a posé son doigt sur sa poitrine et a prononcé, dans son anglais avec un fort accent russe : « Respecte mon espace », avant de se retourner et de quitter la scène.
Il n'en fallait pas plus pour que les médias montréalais s'emballent. Y'avait-il de la bisbille entre Markov et Subban?
Pas du tout, c'était tout le contraire. Mais le sourire de Markov lors de son départ avait échappé à la plupart des gens dans le vestiaire.
Mardi, à l'âge de 33 ans, Subban a annoncé sa retraite de la LNH après une carrière de 13 saisons. Le gagnant du trophée Norris en 2013, remis au meilleur défenseur de la Ligue, a disputé 834 matchs avec les Canadiens, les Predators de Nashville et les Devils du New Jersey. Il a récolté 115 buts et 467 points.
Six de ses 13 saisons dans la Ligue ont été jouées en compagnie de Markov, qui a très souvent été son partenaire à la ligne bleue.
« Pour moi, P.K. est un grand joueur de hockey », a mentionné Markov lorsque rejoint à Kazan en Russie.
Celui-ci n'a pu s'empêcher de rire lorsqu'on lui a rappelé l'anecdote de l'équipement jeté par terre.
« C'est aussi un bon ami. Nous avons connu de bons moments, beaucoup de plaisir sur et hors de la glace.
« Je suis surpris d'apprendre qu'il prend sa retraite. Il est plutôt jeune, mais il se connaît mieux, et son corps, que quiconque.
« C'est une personne positive qui sourit tout le temps. Il a toujours de l'énergie, peu importe la situation. C'est plaisant à voir. Il a apporté beaucoup d'énergie dans le vestiaire. J'aime ce genre d'équipe. »
À certains moments, Markov et Subban étaient pratiquement un duo d'humoristes, se taquinant un et l'autre. Lors du premier match de la saison 2015-16 des Canadiens, Subban, placé au centre de la glace, devait remettre le flambeau traditionnel du Tricolore à Markov, mais celui-ci y est allé de quelques tours autour du no 76, le laissant complètement seul au milieu de la patinoire.
Leur amitié s'est cimentée en 2017 quand Subban, alors membre des Predators, s'est envolé vers la Russie afin d'être présent au mariage de Markov.
« C'était vraiment spécial pour moi, pour mon épouse et pour mes amis, a raconté Markov, qui est maintenant entraîneur adjoint avec le Spartak de Moscou dans la Ligue continentale de hockey. « Ça m'a permis de voir quel genre de personne il est. J'ai beaucoup de respect pour son geste et c'était un moment important pour moi. Je l'ai texté quand j'ai appris qu'il prenait sa retraite. »
Pause.
« Je n'ai pas encore reçu de réponse! On verra bien. Il doit être plutôt occupé avec vous (les médias). Peut-être que je lui parlerai dans les prochains jours. »
La carrière de Subban l'a fait déménager de Montréal à Nashville dans un échange majeur en juin 2016, en retour de Shea Weber. Ironiquement, les deux défenseurs ont maintenant mis une croix sur leur carrière. Finalement, son dernier arrêt a été dans le New Jersey.
Il a annoncé sa retraite sur les médias sociaux mardi matin, et il a précisé qu'il avait plusieurs autres défis devant lui. On peut s'attendre à le voir à la télévision, puisqu'il a prouvé lors de ses apparitions sporadiques qu'il était un naturel devant la caméra.

Un pro du spectacle doté d'une personnalité unique, Subban est aussi venu en aide à tant de gens grâce à son implication pour divers organismes communautaires et fondations, amassant des millions de dollars au passage.
Pourtant, il avait ses critiques, qui considéraient que le défenseur était trop éparpillé et que le hockey était trop bas dans sa liste de priorités. Certains estimaient qu'il était avant tout une marque de commerce, plus qu'un membre d'une équipe.
Parfois, Subban pouvait être le joueur le plus concentré sur un match, et à d'autres moments, il était comme un père Noël de centre d'achats : partout en même temps.
Brian Gionta, qui a été le capitaine de Subban de 2010 à 2014 à Montréal, a lui aussi été aux premières loges pour voir un joueur qui amenait beaucoup d'oxygène dans le vestiaire.
« Il a eu toute une carrière », a lancé Gionta. « C'était un défenseur dynamique. Il faisait bondir les gens de leur siège. Il était électrique, charismatique. Tôt dans sa carrière, il a dû apprendre certaines choses. Bravo, il a réussi à le faire. Il est arrivé et il a appris à se comporter d'une manière différente afin de ne pas agacer de la mauvaise manière ses coéquipiers, les partisans et les médias.
« Tu ne peux pas lui enlever tout ce qu'il a fait pour faire la promotion de lui-même. Bien sûr, c'est une vision différente de celle avec laquelle j'ai été élevé, avec Lou Lamoriello comme DG au New Jersey. Ce que P.K. a fait a été excellent pour lui. Je ne pense pas que ça ait enlevé quoi que ce soit à son jeu ou au sport, mais lorsqu'il le faisait, les gens l'ont remarqué.
« Les médias sociaux commençaient à devenir très populaires, les gens commençaient à les utiliser pour connecter ensemble. Je suis heureux de l'avoir vu progresser et gagner en maturité au fil de sa carrière. Peut-être que notre groupe de leaders a eu un petit mot à dire là-dedans. »
Maintenant installé en Floride, le légendaire défenseur des Canadiens et ancien entraîneur des Devils Larry Robinson a vu chez Subban un grand talent, mais aussi un potentiel infini.
« J'ai vraiment été impressionné par son lancer, mais aussi par son coup de patin, a affirmé Robinson. J'aurais aimé avoir la chance de travailler avec lui quand il était à Montréal. Ça aurait été plaisant. Je pense qu'il n'est devenu qu'une fraction de ce qu'il aurait pu devenir comme joueur parce qu'il s'est mis à se promouvoir à travers différentes sphères, comme les bonnes causes ou d'autres activités loin du hockey. Je pense que ç'a l'a empêché de démontrer toutes les habiletés qu'il possédait.
« Parfois, tu es trop occupé et tu perds la vision de ce que ça prend et ce que tu devrais vraiment être en train de faire. Je pense que le hockey est tombé deuxième par rapport à d'autres activités qu'il faisait, mais il n'y a pas de doute qu'il était très divertissant, et un athlète très doué. Je ne pense pas que son talent comme athlète a été reconnu à sa juste valeur. »
Au cours de sa carrière, Subban n'a jamais accordé d'importance à la manière dont les autres le percevaient sur la glace, peu importe leur opinion. Il était trop occupé à avoir du plaisir, à explorer toutes les possibilités et à demeurer authentique.
Ce qui semble assuré, c'est que le hockey n'a pas fini d'entendre parler de P.K. Subban. Et c'est une bonne chose.