Turgeon-Lecavalier-Damphousse

Tout au long de la saison, les experts du LNH.com participeront à des tables rondes pour répondre à diverses questions. En interagissant entre eux, nos experts donnent leur opinion sur plusieurs sujets chauds à travers la LNH. Aujourd'hui, on leur a posé la question suivante : Martin Brodeur et Martin St-Louis seront intronisés au Temple de la renommée du hockey cette semaine. Qui est le prochain Québécois qui devrait y faire son entrée? Voici les réponses :

Nicolas Ducharme, journaliste LNH.com

Pierre Turgeon devrait logiquement être le prochain Québécois à se retrouver au Temple de la renommée du hockey, lui qui a amassé 1327 points en 1294 matchs dans la LNH entre 1987 et 2007.
Turgeon a été l'un des joueurs les plus électrisants de la LNH lors des années 1990. Entre la saison 1988-1989 et 2000-2001, il a été le sixième joueur à obtenir le plus de points dans la LNH (1103). Il a été uniquement devancé par Steve Yzerman, Wayne Gretzky, Joe Sakic, Adam Oates et Brett Hull. Or, toutes ces vedettes sont maintenant au Temple de la renommée.
C'est une chose de marquer des points, mais en plus, Turgeon a su rester en santé. Durant cette période, il a été le 23e joueur à disputer le plus de matchs. Sa moyenne de points par rencontre (1,18) durant ces 13 saisons le place au huitième rang de la LNH, devant des joueurs de son groupe d'âge comme Sergei Federov, Mark Recchi, Luc Robitaille, Pavel Bure, Mats Sundin et Mike Modano. Tous ces joueurs ont leur plaque au Temple à Toronto.
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Deux points viennent nuire à la candidature de Turgeon. Le premier : il n'a aucune expérience internationale, puisqu'il a été ignoré par les décideurs de Hockey Canada lors de la Coupe du monde de 1996 et lors des Jeux olympiques de 1998, un endroit où les meilleurs joueurs canadiens auraient dû se retrouver.
De plus, il n'a jamais remporté la Coupe Stanley. Il n'est pas le seul joueur au Temple qui se retrouve dans cette situation. On ne choisit malheureusement pas son équipe ou encore la tournure des événements dans la vie. Qui sait, s'il n'est pas victime d'un coup salaud de Dale Hunter qui a mis fin à ses séries en 1993, Turgeon aurait peut-être soulevé la Coupe Stanley, et les Canadiens de Montréal auraient une bannière de moins accrochée dans les hauteurs du Centre Bell.

John Ciolfi, producteur senior LNH.com

Je suis d'accord avec toi, Nicolas, sur le fait que Turgeon était un joueur électrisant pendant les années 1990, mais c'est également la chose qui lui fait le plus mal : il y a eu tellement de supervedettes à cette époque-là, et donc les performances de Turgeon ont été souvent éclipsées par celles de Gretzky, Mario Lemieux, Yzerman, Jaromir Jagr, Eric Lindros, etc. Un autre problème pour Turgeon est son manque de trophées individuels (à l'exception d'un Lady Byng en 1992-93). De plus, il n'a jamais terminé une saison parmi les cinq meilleurs marqueurs dans la Ligue. Il a connu une excellente carrière, sans aucun doute, mais le manque d'honneurs individuels et d'une Coupe rendra ses chances plus maigres.
À mon avis, le prochain Québécois intronisé au Temple va être Vincent Lecavalier. Oui, il faut admettre quelques failles dans le cas de Lecavalier : il n'a pas franchi la barre des 1000 points dans la LNH. En effet, il a amassé plus de 80 points dans seulement deux saisons de sa carrière et, comme Turgeon, il n'a pas connu beaucoup de succès sur la scène internationale, bien qu'il ait été nommé joueur par excellence avec le Canada à la Coupe du monde de 2004. Il y a eu des attentes extrêmement élevées envers lui dès son entrée dans la LNH avec le choix no 1 du repêchage 1998, surtout parce que l'entraîneur du Lightning à cette époque-là le surnommait « Le Michael Jordan du hockey », et surtout parce qu'il est devenu le plus jeune capitaine dans l'histoire de la LNH (à cette époque). À certains égards, il n'a pas réussi à répondre à ces attentes.
Je crois que l'on peut faire des parallèles entre lui et Lindros. Chaque joueur a un premier choix au total qui a connu une brève période de domination dans la LNH, mais qui, pour une raison ou une autre, a vu ses statistiques glisser au fil des années. Dans les années suivant le lock-out de 2005, Lecavalier a été un des joueurs les plus imposants dans la Ligue. En 2006-07, il a remporté le trophée Maurice Richard en inscrivant 52 buts, puis il en a marqué 40 la saison suivante. Entre 2005 et 2008, seuls trois joueurs - Alex Ovechkin, Ilya Kovalchuk et Dany Heatley - ont marqué plus de buts que Lecavalier, et Ovechkin a été le seul attaquant à afficher un meilleur temps moyen d'utilisation pendant cette période (22:02 contre 21:54). En carrière, Lecavalier a marqué 421 buts, un plus haut total que celui de plusieurs autres membres du Temple de la renommée, incluant son ancien coéquipier Martin St-Louis. Il a également mis la main sur le trophée King Clancy pour son travail dans la communauté en 2007-08.
Si on s'était posé cette même question il y a cinq ou dix ans, il aurait été presque impossible que Lecavalier soit intronisé au Temple. Mais au cours des dernières années, le comité de sélection a commencé à accepter des joueurs comme Lindros, Cam Neely et Pavel Bure, des joueurs qui ont connu beaucoup de succès sans pouvoir connaître la longue carrière qui marquait l'intronisation des joueurs précédents.
Ce n'est pas à dire que Lecavalier est assuré d'une place au Panthéon, loin de là, mais grâce à des joueurs comme Lindros, il a de meilleures chances qu'il n'y a pas si longtemps auparavant.

Hugues Marcil, pupitreur LNH.com

Je me permets de dévier un peu de votre tendance, Nicolas et John, en nommant un joueur qui est toujours actif actuellement : le gardien des Panthers de la Floride Roberto Luongo.
À 39 ans, Luongo en est à ses derniers milles dans la LNH, mais avec la carrière qu'il a connue, je vois difficilement comment on pourrait lui refuser l'accès au Temple de la renommée du hockey. Avec 473 victoires, Luongo n'est qu'à 11 gains d'égaler Ed Belfour et le troisième rang de tous les temps à ce chapitre dans la LNH. C'est donc dire qu'à moins d'une blessure majeure, il devrait terminer sa carrière comme troisième gardien le plus victorieux de la LNH. Martin Brodeur (691 victoires) et Patrick Roy (551) sont trop loin devant. Il devrait également dépasser Roy au chapitre des matchs joués cette saison (Luongo : 1004; Roy : 1029) et s'emparer seul du deuxième rang.
Ce qui est impressionnant de la carrière de Luongo, c'est qu'il n'a jamais évolué avec des puissances devant lui, sauf peut-être lors de son passage à Vancouver. Entre 2006-07 et 2013-14, les Canucks ont raté les séries éliminatoires de la Coupe Stanley seulement deux fois, atteignant notamment la Finale en 2010-11. Mais avec les Panthers, Luongo n'a participé au tournoi printanier qu'une seule fois (2015-16). Il n'a pas non plus participé aux séries avec les Islanders de New York en 1999-2000. C'est tout le contraire pour Brodeur et Roy. Au tournant des années 2000, les Devils et l'Avalanche étaient parmi les meilleures équipes de la LNH.
Malgré tout, Luongo présente une moyenne de buts alloués en carrière de 2,49 ainsi qu'un pourcentage d'arrêts de ,920, des chiffres qui se comparent avantageusement à Brodeur (MBA 2,24; %,912) et à Roy (MBA 2,54; %,910). Il a également réussi six saisons de 35 victoires ou plus.
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La seule ombre au tableau : Luongo n'a toujours pas gagné la Coupe Stanley et il ne cumule pas autant d'honneurs individuels que les autres grands gardiens de l'histoire de la LNH. Luongo n'a d'ailleurs jamais gagné le trophée Vézina. En fait, dans le rayon des récompenses de gardiens, il a uniquement remporté le trophée William M. Jennings en 2011, conjointement avec Cory Schneider.
Cela dit - et John l'a bien souligné - les intronisations au Temple de Lindros, Bure et Neely, des joueurs qui n'ont jamais gagné la Coupe Stanley et cumulent peu de récompenses individuelles, jouent en faveur de Luongo. Selon moi, sa place est pratiquement assurée parmi les immortels du hockey.

Sébastien Deschambault, directeur de la rédaction LNH.com

Le Temple de la renommée a tendance à récompenser les meilleurs joueurs offensifs, et c'est pourquoi je vois mal des joueurs comme Turgeon et Vincent Damphousse ne jamais y être intronisés.
Si Nicolas a déjà bien expliqué pourquoi Turgeon devrait voir sa carrière être reconnue, je vais tenter de faire de même avec Damphousse. Champion de la Coupe Stanley avec les Canadiens en 1993, Damphousse a été l'un des meilleurs fabricants de jeux de son époque, lui qui pointe au 38e rang de l'histoire de la ligue avec 773 mentions d'aide. Parmi les 37 joueurs qui sont devant lui à ce chapitre, seuls Jagr, Joe Thornton, Henrik Sedin et Turgeon n'ont pas encore été admis au Temple, et la place des trois premiers est déjà assurée.
Certains diront que Damphousse a évolué à une époque où les buts étaient légion et que les points se récoltaient avec plus d'aisance. Il reste que Damphousse, au cours des meilleures années de sa carrière, rivalisait avec certains des plus gros noms de l'histoire de la Ligue.
Entre 1989-90 et 1996-97, Damphousse a occupé le 13e rang des pointeurs de la LNH avec 659 points (251 buts, 408 passes) en 617 matchs. Ah oui, les 12 joueurs devant lui ont tous été admis au Temple.

Guillaume Lepage, journaliste LNH.com

Merci, Hugues, de penser aux gardiens un peu! Sauf que lorsqu'on parle d'un gardien québécois qui a une place presque acquise au Temple de la renommée, un seul nom me vient en tête et c'est celui de Marc-André Fleury.
Je crois que la saison qu'il a connue l'an dernier avec les Golden Knights de Vegas et les prestations qu'il a enchaînées en séries pour permettre à cette équipe d'expansion d'atteindre la Finale de la Coupe Stanley à sa première année d'existence est tout simplement venu cimenter sa place parmi les grands.
De conserver une moyenne de buts alloués de 2,24 et un taux d'efficacité de ,927 en saison régulière et en séries à 33 ans comme il l'a fait, c'est le signe d'un gardien qui a encore beaucoup à offrir. Et ce n'est que de bon augure pour la suite de sa carrière.
Avec trois autres années de contrat et potentiellement plus en poche, Fleury pourrait continuer à gravir les échelons dans les différentes catégories, lui qui est déjà au 10e rang pour les victoires avec 411 - à 72 de Luongo. Bien sûr, il a eu les puissants Penguins devant lui durant de nombreuses années, mais ils étaient puissants aussi grâce à lui.
On en a eu la preuve par le passé, plusieurs joueurs ont été intronisés sans avoir gagné la Coupe, mais Fleury est loin d'avoir ce problème. Il a participé cinq fois à la Finale et l'a remportée à trois occasions.
Matt Murray a certes occupé un grand rôle lors des deux dernières conquêtes des Penguins en 2016 et en 2017, mais sans l'aide de Fleury lors des deux premières rondes en 2017, on peut affirmer sans se tromper que les Penguins n'auraient jamais répété leur exploit.

Ducharme

Il manque une portion très importante à ton argument sur Luongo, Hugues, et c'est sa carrière internationale.
Deux médailles d'or olympiques en trois participations, dont celle de Vancouver où il était venu en relève à Brodeur, une Coupe du monde et deux titres au Championnat du monde.
Le seul titre qui lui aura échappé est celui du Championnat mondial junior en deux participations, se contentant de l'argent. Il aura au moins eu sa chance de jouer en finale, contrairement à Turgeon puisque le Canada avait été disqualifié après une bagarre générale contre l'URSS.
Avec un tel pedigree, c'est un aller simple assuré pour le 30, Yonge St à Toronto.

Robert Laflamme, journaliste principal LNH.com

Pas bête du tout, Hugues, ton choix de Luongo. S'il est vrai que remporter des honneurs individuels et la Coupe Stanley représente une plus-value appréciable pour une solide candidature, on ne peut plus repousser du revers de la main un impressionnant palmarès comme celui du vétéran gardien des Panthers de la Floride.
Et cher Nicolas, bravo, tu m'as enlevé le clavier sous les doigts en relevant ses exploits sur la scène internationale.
Dans une ligue à 31 équipes, on ne peut plus que récompenser les gagnants de trophées et de la Coupe Stanley.
Il n'y a pas plus de trophées à gagner et, à ce que je sache, il n'y a toujours qu'une seule Coupe Stanley à l'enjeu!
Mon choix s'arrête toutefois sur un « vieux de la vieille », Guy Carbonneau l'ancien capitaine des Canadiens de Montréal.
Aux amateurs que je vois froncer les sourcils d'incrédulité parce qu'on élèverait au rang d'immortel un joueur qui a fait son pain et son beurre d'empêcher les meilleurs joueurs de la LNH de marquer, je répondrai simplement un nom : Bob Gainey.
On ne fait pas de discrimination entre les défenseurs, les attaquants et les gardiens. On ne devrait donc pas en faire entre les attaquants à caractère offensif et défensif ou la même chose pour les défenseurs. Les lauréats du trophée Selke, qu'on attribue au meilleur attaquant défensif, ne devraient pas être écartés d'office.
La candidature de Carbo répond en tout cas aux critères d'excellence, avec d'épinglé à son tableau de chasse quatre trophées Selke (1987, 1988, 1989 et 1992) et trois conquêtes de la Coupe Stanley (1986, 1993 et 1999).
Et puis, il a tout de même obtenu 663 points, incluant 260 buts, en 1318 rencontres en carrière. Son tour finira par venir, j'en suis convaincu.