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Maxime Talbot a joué un peu plus de 700 matchs (704) dans la LNH. Choix de huitième tour des Penguins en 2002, il a passé six ans à Pittsburgh, où il a gagné la Coupe Stanley en 2009, marquant deux buts lors du septième match de la finale contre les Red Wings de Detroit. Après les Penguins, le combatif centre a porté les couleurs des Flyers de Philadelphie, de l’Avalanche du Colorado et des Bruins de Boston. Il a poursuivi sa carrière pour trois autres saisons dans la KHL à Iaroslavl et à Omsk. L’ancien capitaine des Olympiques de Hull/Gatineau dans la LHJMQ a accroché ses patins à la fin de la saison 2018-2019. Depuis ce temps, il occupe un poste d’analyse sur les ondes de RDS. Il a également agi comme adjoint à Joël Bouchard lors de la saison 2021-2022 avec les Gulls de San Diego dans la Ligue américaine (LAH). Il a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com pour traiter de divers sujets touchant les activités de la ligue.

J’ai un message assez simple pour les partisans des Canadiens. Ils doivent demeurer patients avec Kirby Dach. On parle d’un jeune joueur qui revient au jeu après une absence d’un an. Il a déjà un historique avec des blessures. Le CH mise sur un jeune avec un potentiel extraordinaire, mais il n’a pas besoin de ressentir une pression. Il faut un peu oublier ses statistiques personnelles en ce début de saison. Il n’a pas marqué, il a seulement deux passes et un dossier de -10 après sept matchs, mais ça ne veut rien dire.

Dach se retrouve dans une longue traversée du désert. C’est souvent le cas après une opération. Je peux me placer un peu dans ses patins.

Premièrement, tu ne dois pas devenir fou pendant ta convalescence. Tu te retrouves souvent isolé et tu n’es pas habitué à sortir de l’entourage de l’équipe.

Quand tu reviens d’une blessure, ce n’est jamais facile. Je le sais d’expérience. Je peux vous parler de mon cas personnel avec les Flyers de Philadelphie. Kirby Dach a subi une opération pour se faire reconstruire le genou droit. Pour ma part, je m’étais fracturé la jambe gauche. Il y a toujours une perte au niveau de ta force, de ta flexibilité et ta puissance. C’est bien rare que ta jambe revienne à 100 pour cent par rapport à l’autre. Tu n’as pas le choix de t’ajuster. J’avais eu besoin de deux ou trois ans avant de regagner toute mon explosion. Je dirais même que je ne l’ai jamais retrouvée entièrement. Je ne dis pas que ce sera la même histoire pour Dach.

Dans mon cas, j’avais eu une fracture du plateau tibial. C’était le 31 mars 2013. Dach est plus jeune que moi à cette époque. J’avais 29 ans. Dach a 23 ans, il avait 22 ans quand il s’est blessé. Lui, il a subi une opération. C’est différent. Je ressens encore une douleur à ma jambe quand il ne fait pas beau dehors avec la pression atmosphérique. L’important reste que tes muscles autour de ta blessure demeurent assez fort pour conserver ta puissance.

Je vais vous raconter une histoire reliée à ma blessure. On retourne dans le passé. À ma première saison à Philadelphie, j’avais pratiquement connu ma meilleure saison dans la LNH avec 19 buts et 34 points. J’avais aussi bien joué en séries (quatre buts, deux passes) en 11 matchs. Pour ma deuxième année avec les Flyers, il y avait eu un lock-out pour les premiers mois de l’année (2012-2013). C’est lors de cette saison que je me suis fracturé la jambe. Nous étions revenus au jeu au mois de janvier dans la LNH. Les Flyers n’avaient pas une bonne saison.

À la période de la date limite des transactions, j’avais rencontré notre directeur général, Paul Holmgren, dans son bureau. Il m’avait dit qu’il y avait des rumeurs à mon sujet et que plusieurs équipes démontraient de l’intérêt. Il m’avait rassuré en m’expliquant qu’il ne voulait pas m’échanger. Je lui avais offert une réponse vague en lui répondant que c’était ok. Je ne l’avais pas convaincu sur mon désir de rester avec les Flyers. Après notre conversation, Holmgren avait téléphoné à Pat Brisson pour savoir si je voulais me faire échanger. Mon agent m’avait ensuite parlé et je lui avais dit que je n’étais pas fermé à cette possibilité. J’avais signé un contrat avec les Flyers puisque je croyais en nos chances de participer aux séries tous les ans et nous n’étions pas dans le portrait en 2013.

Mais finalement, il n’y a jamais eu d’échange. Le mauvais sort a changé les plans. Je m’étais blessé le 31 mars à la veille de la date limite des transactions.

Je me souviens que j’avais écrit un texte pendant ma longue convalescence. Je parlais de la vulnérabilité d’un athlète. J’avais le vent dans les voiles. Je venais de jouer une grosse saison à ma première année avec les Flyers. Et du jour au lendemain, une mauvaise mise en échec peut changer la trajectoire de ta carrière. Je vois encore le jeu. J’avais plaqué Mike Green, le défenseur des Capitals, dans le coin de la patinoire en territoire offensif. Son genou avait frappé contre le bas de mon genou. J’avais eu toute la misère du monde à regagner notre banc. Ce n’était rien de fou, mais c’était une blessure sérieuse.

À l’aile pour retrouver une confiance

Quand je regarde jouer Dach, je ne le trouve pas lent. De mon œil extérieur, il ne semble pas trop affecté. J’ai le sentiment que le jeu collectif lui fait encore plus mal. C’est toujours difficile de connaître du succès personnellement quand l’équipe ne joue pas bien. Au dernier match contre les Rangers, Dach était probablement heureux de se retrouver à l’aile du premier trio avec Nick Suzuki et Cole Caufield.

Mentalement, Dach peut sortir gagnant en se retrouvant temporairement à l’aile où il y a moins de responsabilités. Quand il était au centre, il ne prenait pas souvent les mises en jeu. Il y a déjà un manque de confiance chez lui au cercle des mises en jeu. Je lui proposerais de travailler très fort sur cet aspect important. Je considère que Dach a le talent et le potentiel pour devenir un très bon joueur de centre. Mais il doit gagner ses mises au jeu.

À court terme, Dach a toutefois besoin de faire parler son talent offensif. Il y arrivera plus à l’aile où il aura moins à se casser la tête. C’est une bonne option pour aujourd’hui. Mais moins pour le futur. Dach a juste 23 ans. On a tendance à croire qu’il est un vétéran puisqu’il joue dans la LNH depuis longtemps (6e saison). C’est correct de réaliser des tests avec lui.

Combien de semaines ou de mois, Dach aura-t-il besoin pour regagner ses repères et redevenir le joueur qu’il veuille être ? C’est toujours difficile d’y répondre.

Je regarde encore dans mes expériences personnelles. En 2009, j’avais subi une opération à une épaule quelques semaines après notre conquête de la Coupe Stanley avec les Penguins. Depuis dix ans, j’endurais une épaule qui débarquait deux ou trois fois par année. Je croyais que c’était le bon moment pour soigner une fois pour toutes mon épaule. Trois semaines après notre victoire en sept matchs contre les Red Wings en finale, je me retrouvais sur une table d’opération. J’étais revenu au jeu à la mi-novembre. J’avais manqué le début de la saison.

Les Penguins avaient de gros plans pour moi à mon retour. Mais j’avais trouvé ça vraiment difficile. Chris Kunitz était blessé. Il y avait donc un trou pour jouer à la gauche de Sidney Crosby. Dan Bylsma m’avait utilisé avec Crosby et Bill Guerin. Il pensait que je pouvais recréer la même magie des séries. Je me cherchais tellement. J’avais eu des matchs pénibles jusqu’au mois de février environ. J’avais connu une bonne fin de saison, mais les trois premiers mois restaient difficiles.

J’ai fait de longs détours simplement pour vous illustrer les défis pour un hockeyeur de revenir au jeu après une blessure sérieuse.

Froidement, le CH ne vise pas la conquête de la Coupe Stanley cette année. Cette équipe n’est pas encore prête à gagner la Coupe. Il ne faut pas déchirer le plan quand ça ne va pas bien. Kent Hughes et Jeff Gorton ont une vision et un plan. Les partisans doivent garder confiance.

Dach fait partie de ce plan. Je pense aussi que le plan est de garder Dach au centre. Le Tricolore aura besoin d’accepter de le voir perdre des mises en jeu. Il peut terminer la saison à 33%, mais il ragera contre cette statistique. Et il s’en servira pour travailler encore plus fort sur cet aspect du jeu durant l’été. À Pittsburgh, Crosby n’a pas toujours été un maître pour les mises en jeu. Mais il a travaillé comme un fou pour s’améliorer.

*Propos recueillis par Jean-François Chaumont, journaliste principal LNH.com