Dans le cadre des textes de la série « Tête-à-tête avec… », nous nous entretenons avec des acteurs du monde du hockey afin d'en apprendre plus sur leur vie sur la glace et à l'extérieur. Cette édition met en vedette l’ancien gardien et membre du Temple de la renommée du hockey Martin Brodeur, qui est aujourd’hui vice-président des opérations hockey chez les Devils du New Jersey.
Martin Brodeur croit que Jacob Markstrom et Jake Allen pourraient former l’un des meilleurs duos de gardiens dans la LNH.
Ces propos ont de quoi rassurer les Devils du New Jersey, puisqu’ils viennent de la bouche d’une légende vivante à la position de gardien.
« Quand [le directeur général des Devils Tom Fitzgerald] a commencé à avoir des conversations au sujet de Markstrom (échangé au New Jersey par les Flames de Calgary le 19 juin), j’étais très emballé, a dit Brodeur. Je lui avais un peu parlé de Jacob, car nous avions besoin d’un gardien d’expérience qui avait connu du succès et qui était imposant (6 pieds 6 pouces). Si tout le monde reste en santé, on parle de l’un des bons duos dans la LNH, car ces deux joueurs ne vont pas te laisser tomber. Ils vont forcer les autres équipes à mériter leurs victoires.
« Comme gardien, tu ne veux pas être la raison des défaites. Tu cherches le statu quo. Tu veux qu’on oublie que tu es là. Tu n’as pas besoin d’être spectaculaire. Tu dois simplement donner une chance à ton équipe de gagner. Avec l’expérience qu’ils ont, je pense que nous avons obtenu deux gardiens capables de faire ça. »
Avec Brodeur, c’était à la fois le statu quo et le spectaculaire, donc il sait assurément ce que ça prend pour être un bon gardien.
Il a été le meneur de la LNH pour les victoires en une saison à neuf reprises et il a terminé dans le top-5 à cinq autres occasions durant ses 22 saisons (1991-92, 1993 à 2015) avec les Devils et les Blues de St. Louis. Quatre fois gagnant du trophée Vézina à titre de meilleur gardien de la LNH, Brodeur détient les records de la Ligue pour les victoires (691), les blanchissages (125), les matchs joués (1266) et les minutes jouées (74 439). Il a également remporté 40 rencontres ou plus à huit reprises en carrière. Trois fois champion de la Coupe Stanley avec le New Jersey, il se classe premier pour les blanchissages (24) et deuxième pour les gains (113; derrière Patrick Roy, 151) dans l’histoire des séries éliminatoires.
LNH.com s’est entretenu avec Brodeur à propos des Devils et de la Confrontation des 4 nations de la LNH 2025, un tournoi à la ronde impliquant les meilleurs joueurs au monde qui aura lieu du 12 au 20 février à Montréal et à Boston.
Qu’apprécies-tu le plus dans le jeu de Markstrom?
« Il a une structure, mais il n’a pas peur d’en sortir pour faire un arrêt. Je faisais remarquer à [Fitzgerald] que durant les pauses, pendant qu’on nettoie la glace, il se rend au banc et parle à tous ses défenseurs. Il est proactif. Il me rappelle beaucoup moi-même. […] Tant qu’à être dans le match, aussi bien essayer de communiquer et ne pas rester dans ta bulle. Il apporte une certaine énergie. Je ne sais pas si tu as vu notre premier entraînement à Prague (avant la Série globale de la LNH 2024 Tchéquie), quand il s’est étendu et a soulevé les jambières durant un exercice de tirs de barrage. […] Ce sont des choses que les gardiens ne font pas habituellement. Il est capable de sortir de sa structure quand tu es dans le pétrin. Tu dois trouver une façon de stopper la rondelle, et Jacob a ça en lui. Il va toujours fournir le deuxième et même le troisième effort pour essayer de se reprendre après une mauvaise lecture. »
Est-ce que cette formation des Devils te rappelle celles de tes bonnes années avec le New Jersey?
« Nous avons des joueurs qui sont sous contrat pour longtemps, donc ce sera notre groupe pendant un bout de temps. Il y a de nouveaux joueurs, donc ils vont grandir tous ensemble. Même les joueurs plus vieux vont continuer à grandir. Nous devons apprendre à gagner, et certains joueurs l’ont fait par le passé. Mais nous avons vraiment l’impression d’avoir comblé nos besoins durant la saison morte. Est-ce que ça va fonctionner? Nous verrons. Mais ce sont les joueurs qui nous le diront. Selon nous, nous avons placé ces joueurs dans la meilleure position possible. »
Qu’as-tu remarqué des entraînements du nouvel entraîneur Sheldon Keefe? Comment est-ce que ça se transpose dans les matchs?
« C’est assurément un peu plus sérieux que ce que nous faisions par le passé. Les gars sont en mode travail. Il y a plusieurs exercices de batailles pour la rondelle, beaucoup de sprints pour atteindre certains endroits de la patinoire. Sheldon est très soucieux du détail. Cela dit, il a un nouveau groupe. Il doit déterminer qui il peut pousser. Comme entraîneur, tu dois t’assurer qu’il y a une courbe d’apprentissage. Jusqu’ici, au camp d’entraînement et en début de saison, ça se passe bien. »
Après avoir gagné la Coupe Stanley trois fois dans ta carrière, es-tu frustré que cette équipe ait raté les séries 10 fois au cours des 12 dernières saisons?
« C’est difficile. Tu joues au hockey pour entrer en séries et te donner une chance de gagner. Oui, tu fais de l’argent, mais c’est du hockey, et nous adorons le sport. C’est donc décevant quand tu ne participes pas aux séries. Tu prends un pas de recul en tant qu’individu et organisation, et tu te demandes : "Que pouvons-nous faire pour propulser cette équipe en séries?" Les joueurs doivent se regarder dans le miroir eux aussi, car ils sont ceux qui sont à l’extérieur du portrait des séries. Nous savions que nous allions reculer au classement l’an dernier. Ça n’allait pas être facile de remplacer [les défenseurs] Damon Severson et Ryan Graves avec des joueurs de 20 ans. Nous n’étions pas certains de nos gardiens à ce moment-là non plus. Mais nous avons comblé tout ce que nous voulions, donc nous avons bon espoir que ce ne sera plus un point d’interrogation. Nous voulons être en séries chaque année. »
Quelle est la clé pour que cette équipe connaisse du succès?
« La constance. Il y aura un plan de match, et nous devrons l’exécuter. Nous n’allons pas toujours gagner, mais si tu appliques constamment ton plan, tu vas commencer à comprendre comment gagner et atteindre les séries. Par la suite, tu n’auras pas à changer grand-chose. Tu ne peux pas alterner entre bonnes et mauvaises performances. Tu dois maintenir un certain niveau le plus longtemps possible et gagner de la confiance en étant résilient chaque soir. »
Qui sont les gardiens d’aujourd’hui que tu suis attentivement et que tu apprécies?
« Il y a deux joueurs que j’aime vraiment : Andrei Vasilevskiy et Igor Shesterkin. Selon moi, ces deux-là sont les meilleurs gardiens de la Ligue avec leur façon de jouer et leur attitude. Ils veulent jouer beaucoup de matchs. Ils ne se soucient pas de leur charge de travail. Ils sont simplement des joueurs de hockey. Ils veulent jouer, et c’est ce que j’aime d’eux. Markstrom est pareil si tu lui dis qu’il ne jouera pas chaque match. Ce sont des choses que j’aime chez un gardien. Ces deux-là sont très bons. »
À première vue, à quoi pourrait ressembler la formation du Canada à la Confrontation des 4 nations en février?
« Ce sera intéressant de voir l’équipe qu’ils vont assembler. Évidemment, il y a beaucoup de talent en attaque pour le Canada, mais c’est un peu différent devant le filet. Ils vont étudier tout ça. J’ai parlé à Doug Armstrong (le DG du Canada pour les Jeux olympiques 2026), et ils parlent déjà de quelques gardiens : Samuel Montembeault, Jordan Binnington, Stuart Skinner. Les gardiens aujourd’hui sont tellement différents de mon époque quand je participais à des événements comme les Olympiques. Tu avais le choix entre Curtis Joseph, Patrick Roy, Ed Belfour… nommez-les. C’est bien différent aujourd’hui. »
Penses-tu que le choix des gardiens sera basé uniquement sur les performances cette saison?
« Je pense que oui, car je ne pense pas qu’il y en ait un au-dessus des autres en ce moment. Tu n’as pas un Roberto Luongo ou un Carey Price, donc le début de saison de tous ces gardiens sera crucial. Au final, j’ai bon espoir que nous aurons une bonne équipe. »