DEVON LEVI THIBAULT

Certains d'entre vous ont peut-être sursauté, il y a quelques jours, en voyant que trois gardiens québécois ayant grandi dans les différentes structures de la province
font partie de l'élite de la NCAA en ce début de saison.

D'autres se sont peut-être même demandé si l'on n'était pas en train de perdre des talents d'ici au bénéfice de la NCAA, surtout dans un contexte où le développement des portiers québécois fait beaucoup jaser depuis la fin de notre domination devant les filets de la LNH.
Il faut remettre les choses en perspective avant de sauter aux conclusions. Et sachez que je serai très honnête dans cette chronique, comme j'ai toujours l'habitude de l'être, même si je porte le chapeau de directeur général à Hockey Québec.
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D'abord, mettons une chose au clair : jamais je ne critiquerai le choix personnel d'un joueur d'opter pour les rangs universitaires américains plutôt que pour la voie du hockey junior canadien. Les deux systèmes ne fonctionnent pas en opposition, et je sais qu'ils ont tous deux leurs bons et leurs moins bons côtés.
Au final, c'est au joueur et à son entourage de déterminer le meilleur choix pour lui. Il n'y a pas de mauvais chemins, et j'ai toujours cru fermement qu'un gardien ou un joueur qui a le talent, la volonté et le dévouement nécessaires pour atteindre le plus haut niveau va s'y rendre d'une manière ou d'une autre.
Ce sera peut-être par l'autoroute, en étant repêché à 17 ans, ou bien par le chemin de gravelle, à force de persévérer en méritant des contrats à gauche et à droite tout en gravissant les échelons. Tous les chemins mènent à Rome. Maintenant que c'est dit, analysons les deux avenues d'un point de vue strictement sportif - en excluant donc la portion académique.
Ce que la NCAA offre à un gardien comme le Montréalais Devon Levi, qui évolue à l'Université Northeastern, c'est du temps de développement. En raison des règles en place, les équipes de la LNH peuvent attendre jusqu'à quatre ans avant d'offrir un contrat un joueur repêché qui évolue dans la NCAA, contrairement à un maximum de deux ans pour ceux qui jouent dans la Ligue canadienne de hockey (LCH).
Avec le nombre limité de contrats disponibles par équipe (50), ça met moins de pression sur l'organisation et ça laisse au jeune plus de temps pour se développer et faire ses preuves. Pour les gardiens, qui prennent souvent plus d'années avant d'arriver à leur apogée, le luxe du temps est un élément non négligeable.
Pour un gardien non repêché, comme le Montréalais Yaniv Perets qui évolue à Quinnipiac, c'est l'occasion de jouer dans un circuit scruté à la loupe par les dépisteurs jusqu'à la mi-vingtaine. Âgé de 22 ans, il connaît les meilleures saisons de sa carrière et pourrait bien éventuellement décrocher un contrat professionnel puisqu'il continue de progresser sous les projecteurs.
Cela ne veut pas dire que les options que nous avons au Québec et au Canada ne peuvent pas rivaliser avec celles de nos voisins du sud. J'y arrive, vous verrez.
Patience et valorisation
De notre côté de la frontière, je crois qu'il faut s'inspirer de la notion de temps et changer un peu nos perspectives par rapport au développement et aux attentes hâtives que l'on a envers nos gardiens.
Il faut faire preuve de plus de patience envers ceux qui présentent un physique professionnel à un jeune âge. Ils ne sont pas les gardiens qui affichent le plus de cohésion physiologique et le plus de synchronisme, mais ce sont souvent eux qui vont se développer plus tardivement et qui ont un potentiel plus élevé pour le prochain niveau. Au lieu de les mettre à l'écart rapidement, donnons-leur la chance.
Prenez l'exemple de Samuel St-Hilaire avec le Phoenix de Sherbrooke. Il est arrivé dans la LHJMQ à 18 ans, cette saison, et il attire l'attention des équipes de la LNH grâce à ses performances.
Il est en quelque sorte la preuve qu'il faut arrêter d'accorder autant d'importance au repêchage. Ce n'est pas parce qu'un joueur ou un gardien n'est pas réclamé à 17 ans qu'il ne le sera pas dans les années subséquentes, ou qu'il ne décrochera pas un contrat à la fin de son stage junior.
On le voit de plus en plus à toutes les positions. Il y a une vie après l'année d'admissibilité au repêchage - cessons de voir ça en grande partie comme une finalité. Le hockey junior canadien permet aussi aux joueurs de progresser et de se faire remarquer jusqu'à l'âge de 20 ans.
C'est une fois que les joueurs graduent de la LCH sans contrat que les options sont moins nombreuses, j'en conviens. Il y a la voie de la ECHL ou bien celle du circuit universitaire canadien - une ligue un peu mal-aimée à laquelle on n'accorde pas assez d'attention.
Il faut valoriser, investir et développer ce circuit pour lui donner une notoriété qui s'approcherait de celle de la NCAA aux yeux des équipes professionnelles. Parce qu'il est vrai que des joueurs et des gardiens ont besoin de temps pour atteindre leur plein potentiel et qu'il faut s'assurer de leur donner la visibilité qu'ils méritent pour ne pas échapper de talents.
On ne tranchera jamais cet éternel débat LCH vs NCAA parce qu'il n'en est pas un; c'est un choix propre à chaque joueur. Mais ce que l'on sait, c'est que les deux voies permettent d'accéder à la LNH et que ceux qui ont le talent pour y parvenir vont trouver le moyen de le faire.