Cole Harbour

COLE HARBOUR, Nouvelle-Écosse — Au moment où vous lisez ces mots, les joueurs des Penguins de Pittsburgh auront mangé du haggis, un plat composé du foie, du cœur et des poumons d'un mouton. 

Ils auront également appris à ouvrir des huîtres.

Tout ça, gracieuseté à Sidney Crosby, le capitaine des Penguins, qui a élevé l'idée du développement de l'esprit d'équipe à un tout autre niveau, samedi.

Les Penguins sont arrivés dans la province vendredi afin de se préparer pour le Duel de la Nouvelle-Écosse, un match préparatoire opposant les Penguins aux Sénateurs d'Ottawa au Scotiabank Centre de Halifax, lundi.

Depuis le moment où il a appris que les Penguins allaient jouer ici, il y a quelques mois, Crosby est fou de joie. Fier natif de Cole Harbour, à 12 km d'Halifax, le joueur de centre de 36 ans a commencé à planifier sa transformation de vedette de la LNH en guide touristique.

Il voulait offrir à ses coéquipiers une tournée de la région d'Halifax, une pépinière de hockey d'où viennent trois des plus grandes vedettes de la LNH — Crosby, Nathan MacKinnon de l'Avalanche du Colorado et Brad Marchand des Bruins de Boston.

Il voulait leur montrer avec fierté sa ville natale, la communauté qui a organisé des célébrations pour ses trois triomphes de la Coupe Stanley (2009, 2016, 2017).

Il voulait profiter de cette occasion de jouer un match de la LNH ici, devant ses amis et sa famille, pour seulement la deuxième fois, la première étant un match préparatoire en 2006.

Encore plus important, il voulait permettre aux Penguins de goûter à la vie et à la culture des Maritimes.

Après une partie de golf samedi matin, les Penguins ont participé à une chasse au trésor qui les a amenés dans les rues de Cole Harbour, de Dartmouth, d'Halifax et même à travers le port d'Halifax sur un traversier.

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Les joueurs, divisés en équipes, ont reçu des instructions sur la route à suivre, les destinations à visiter et les tâches à accomplir (comme manger du haggis ou ouvrir des huîtres) dans une course contre la montre.

Crosby a fait appel à Paul Mason, un de ses entraîneurs de baseball et de hockey mineur, pour organiser l'événement. Mason a joué un rôle intégral en organisant les trois célébrations de la Coupe Stanley à Cole Harbour, ce qui a fait de lui l'homme parfait pour mettre en place cette chasse, aux yeux du numéro 87.

« Quand il m'a parlé de son idée, il voulait que cette fin de semaine entière soit spéciale pour la communauté, pour ses coéquipiers et pour tous ses proches, a expliqué Mason. Tu peux voir à quel point ces jours-ci sont importants pour lui. Tu pouvais sentir qu’il avait hâte depuis quelques mois. »

Bien que Crosby joue le rôle d'hôte pour ses coéquipiers cette fin de semaine, Mason a indiqué que le joueur de centre va tenter de tout remporter : la partie de golf, la chasse au trésor, le match préparatoire, tout.

« Il a toujours été compétitif, même quand j’étais son entraîneur alors qu’il était très jeune, a souligné Mason. Rien n'a changé. »

Quant à la chasse au trésor, les Penguins ont publié une vidéo samedi soir dans laquelle le joueur de centre Evgeni Malkin a déclaré que son équipe l’avait emportée.

Cette fin de semaine est toutefois plus qu'une compétition pour Crosby. C'est une célébration.

« Je crois que c'est un beau voyage pour l'organisation des Penguins, a affirmé l'entraîneur Mike Sullivan. Je pense que c'est surtout un voyage formidable pour Sid. Il a fait beaucoup pour les Penguins de Pittsburgh et pour la LNH. D'avoir l'occasion d’amener son équipe dans sa ville natale et d'y jouer un match préparatoire, c'est un bel hommage pour lui. »
 
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Après un parcours de 10 minutes à partir d’Halifax, c’est un panneau bien connu et qui a été photographié un nombre incalculable de fois qui vous accueille lorsque vous arrivez à Cole Harbour.

« Cole Harbour. Domicile de Sidney Crosby », peut-on y lire.

L’an dernier, les représentants de la Ville ont ajouté une autre inscription au bas du panneau.

« Nous sommes fiers de féliciter Nathan MacKinnon pour sa conquête de la Coupe Stanley en 2021-22 »

Statistiquement, c’est plutôt incroyable de voir que la région a produit trois joueurs d’élite en Crosby et MacKinnon, ainsi que Marchand, qui est d’Halifax, surtout pour une province comme la Nouvelle-Écosse, qui a une population de seulement un million de personnes. En comparaison, l’Ontario, terre de Connor McDavid, compte 14,7 millions de personnes.

D’ailleurs, depuis la saison 2012-13, trois des sept meilleurs marqueurs de la LNH sont originaires de cette région de la Nouvelle-Écosse. Crosby est premier avec 893 points, Marchand le suit au sixième rang avec 765 alors que MacKinnon est tout juste derrière avec 759 points.

Qu’est-ce qui peut bien se retrouver dans l’eau du coin pour avoir développé trois joueurs qui seront éventuellement dans les discussions pour une place au Temple de la renommée du hockey?

« Je me souviens qu’une équipe d’ESPN était venue ici il y a quelques années pour me poser la même question, a raconté Mason. Je veux être clair, il n’y a rien dans l’eau. Ce sont trois joueurs d’élite qui ont travaillé fort pour atteindre leurs objectifs. Il n’y a pas de secret. Ils sont travaillants et ce sont des gars terre-à-terre. Ce sont des vedettes, et nous sommes fiers qu’ils soient d’ici.

« Dans le cas de [Marchand], les gens parlent beaucoup d’à quel point il est devenu plus mature et une bien meilleure personne dans les deux dernières années. La façon dont tu te comportes quand tu viens d’ici, c’est vraiment important.

« Et Sid est l’exemple à suivre dans cette catégorie. »

Jon Greenwood en a été un témoin privilégié. Il a été l’entraîneur de MacKinnon au hockey mineur avec les Wings de Cole Harbour, à un moment où l’idole de l’attaquant de l’Avalanche était Crosby, de huit ans son aîné.

« C’est l’éthique de travail de Sid », a expliqué Greenwood, qui est maintenant entraîneur adjoint avec l’équipe masculine de hockey de l’Université St. Mary’s. « Ils le voient aller et ils ne peuvent qu’être inspirés. C’est beaucoup plus que des habiletés. Je lisais récemment que quelqu’un l’avait qualifié du joueur avec le plus de papier sablé de l’histoire du hockey. Ce n’est donc pas que ses habiletés individuelles. Il y a cet incroyable désir de gagner.

« L’autre chose, c’est qu’il revient toujours ici l’été pour s’entraîner. C’est chez lui. Nate et [Marchand] font la même chose, tout comme d’autres pros de la région. Ils comprennent que c’est un endroit spécial. »

Greenwood a fait référence à un événement qui s’est déroulé plus tôt ce mois-ci, quand MacKinnon a quitté le camp d’entraînement de l’Avalanche pour s’envoler vers Halifax, puisque les Mooseheads de la Ligue de hockey junior majeur du Québec allaient retirer son numéro 22. MacKinnon a joué pour le club de 2011 à 2013 et a gagné la Coupe Memorial à sa dernière année avec l’équipe.

« Je n’ai jamais vécu quelque chose de tel ailleurs », a-t-il dit lors de la soirée hommage au Scotiabank Centre le 22 septembre. « Je suis d’ici, je passe tous mes étés ici, chez moi à Halifax. J’ai un lien fort avec cette ville. »

Lors de ces étés, Greenwood a donné un coup de main afin d’organiser certains des entraînements où se retrouvent les trois joueurs à l’aréna local. L’intensité est parfois au rendez-vous, et l’entraîneur estime que c’est ce qui pousse les trois à être meilleurs.

« Ce sont des amis, a-t-il rappelé. Mais quand ils se mettent à jouer un contre l’autre, ça ne parait absolument pas. Ils veulent battre l’autre, peu importe ce que ça prendra.

« On peut voir à quel point leur désir, leur détermination et cette attitude où on doit tout faire pour gagner sont contagieux auprès des jeunes joueurs. »

Drake Batherson se retrouve dans cette catégorie. L’attaquant de 25 ans des Sénateurs a grandi à New Minas, à 90 km au nord-ouest d’Halifax, et il s’entraîne durant la saison morte avec Crosby, Marchand et MacKinnon depuis 2019. Il qualifie ces séances sur la glace d’un « de mes moments favoris de l’année. »

C’est pourquoi il a hâte d’affronter Crosby et les Penguins à Halifax lundi.

« J’ai encore toutes mes affiches des Penguins et de Sid dans ma chambre chez mes parents, donc c’est drôle de voir que Sid et moi sommes maintenant des amis, a souligné Batherson. C’est vraiment amusant quand on y pense. »
 
 Crosby est d’accord, surtout à l’approche du Duel de la Nouvelle-Écosse

« C’est certain que ça va être amusant comme match, a-t-il affirmé. (Le défenseur des Penguins Ryan) Graves est de la Nouvelle-Écosse lui aussi, et Drake va être dans l’équipe adverse. C’est génial qu’il ait des gars de la place.

« Ça n’arrive pas souvent. »

Sans surprise, les partisans se sont rués vers les guichets pour être de la fête. Certains billets étaient même affichés à 1200 $ en revente pour ce match dans l’aréna de 11 093 sièges. Il y a de la fébrilité dans l’air parce que Crosby est de retour en ville.

« Il a été le meilleur joueur de ce sport pendant tant d’années, et c’est une idole pour les gens d’ici en raison de ce qu’il a fait pour la communauté et pour les jeunes, a expliqué Graves. Il a tracé la voie pour eux.

« Il y a beaucoup de gens qui vont assister à ce match qui n’auraient pas la chance de se rendre à Pittsburgh ou même dans d’autres villes qui sont un peu plus près. En plus, ils vont le voir dans la communauté, au match. C’est génial! »
 
 
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Le printemps et l’été ont été difficiles en Nouvelle-Écosse.

À la fin du mois de mai et au début de juin, des feux de forêt ont ravagé des zones autour d’Halifax et à travers la province. Plus de 16 000 personnes ont dû être évacuées, et certains ont vu leur domicile être réduit en cendres.

Moins de deux mois plus tard, la région a été frappée par des précipitations record qui ont causé des inondations historiques. L’eau a même infiltré la maison de Crosby, mais les dommages ne se comparaient pas à ceux qui ont vu leur résidence être emportée par les flots et qui ont tout perdu.

« La région ne l’a pas eu facile, a mentionné Crosby. Mais ce qui est génial, c’est que dans telles communautés, les gens se serrent les coudes et sont prêts à s’aider.

« Chaque fois qu’il y a eu de l’adversité ici au fil des ans, la population s’est unie de plus en plus. C’est quelque chose dont nous sommes fiers. Le fait que les gens savent qu’ils peuvent avoir confiance l’un envers l’autre, c’est vraiment important. »

Crosby tente d’y mettre du sien en enseignant ces valeurs aux jeunes du coin.

Dimanche, les Penguins vont tenir un entraînement à Cole Harbour. Des centaines d’enfants du hockey mineur de l’endroit ont été invités afin de participer à une séance de questions avec des joueurs des Penguins, et certains auront même la chance de sauter sur la glace avec eux.

Dans ce groupe, on retrouve des jeunes qui ont vu leur famille perdre leur résidence lors des feux de forêt. Crosby tenait à ce qu’ils y soient, afin de leur donner un sourire le temps d’un après-midi malgré toutes les épreuves des derniers mois.

« C’est du grand Sid, a lancé Greenwood. Il va avoir un impact sur ces jeunes, autant sur la glace qu’à l’extérieur. »

C’est déjà le cas.

En 2009, le capitaine des Penguins a créé la Fondation Sidney Crosby, une organisation qui vise à améliorer la vie des enfants malades ou qui font face à des difficultés. Plus récemment, Crosby et plusieurs membres du conseil d’administration de la Fondation ont conçu des chandails à l’effigie du Duel de la Nouvelle-Écosse, et les profits iront à la fondation.

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« Il aide les jeunes qui ne l’ont pas facile, et il est un modèle pour les jeunes joueurs de hockey de la province, a affirmé Mason. Il fait tout en son possible pour que ses coéquipiers aient du plaisir ici, et c’est un incroyable ambassadeur pour la communauté.

Greenwood est d’accord.

« C’est un privilège de dire que tu viens de la même place qu’une personne comme lui », a-t-il ajouté.

Et Crosby est tout aussi fier de pouvoir dire que c’est son chez-lui.