Kris Knoblauch turnaround

EDMONTON, Alb. – Kris Knoblauch venait à peine de finir sa conférence de presse d’après-match dimanche, au Rogers Place, qu’il s’est mis à regarder par la fenêtre la marée de gens vêtus de l’orange et du bleu des Oilers d’Edmonton. L’équipe avait éliminé, quelques minutes plus tôt, les Stars de Dallas au terme d’un sixième match de la finale de l’Ouest remporté 2-1. Elle obtenait ainsi son billet pour la finale de la Coupe Stanley, au grand plaisir des partisans répétant en chœur « Nous voulons la Coupe! »

L’entraîneur des Oilers avait presque l’air admiratif de la scène se déroulant devant lui, l’autre bord de la fenêtre. Ce n’est pas banal venant du stoïque, quoique charmant Knoblauch.

Le temps d’un instant, l’ampleur de la situation l’a frappé. Moins de sept mois après avoir obtenu son premier emploi à la barre d’une équipe de la LNH, Knoblauch a aidé ses Oilers à s’approcher à seulement quatre victoires de l’objectif ultime.

Knoblauch regardait toujours à l’extérieur lorsqu’on lui a demandé s’il y avait plus de gens attroupés devant lui que de gens habitant dans sa ville natale.

« Bien plus! C’est impressionnant », a-t-il avoué.

Presque aussi impressionnant que le travail qu’il a fait depuis son arrivée à Edmonton.

Bienvenue dans le monde discret de Kris Knoblauch, la fierté d’Imperial en Saskatchewan, un petit village de 360 habitants. Un grain de sable dans les vastes Prairies. Mais présentement, peu de communautés au Canada éprouvent autant de fierté que celle d’Imperial, dont le « gars de la place » prépare ses troupiers à affronter les Panthers de la Floride à Sunrise samedi (20 h HE; ABC, ESPN+, SN, TVAS, CBC).

Une pancarte a récemment été accrochée à l’entrée du village. On peut y lire « Maison de l’entraîneur de la LNH Kris Knoblauch », puis y voir une photo du principal intéressé avec un modeste sourire.

« Il est très humble. C’est un reflet de ses racines », a dit Sherwood Bassin, ancien copropriétaire des Otters d’Érié de la Ligue junior de l’Ontario (OHL) qui avait engagé Knoblauch en 2013. « Ses parents sont des fermiers. Il a le travail à cœur, il ne veut pas se vendre. C’est peut-être ce qui lui a précédemment coûté des postes ailleurs dans la LNH. 

« Il est un très bon entraîneur, très calme et qui fait preuve de sang-froid lorsque l’enjeu devient grand. »

Cette description offerte par Bassin rend la comparaison très intéressante entre les deux entraîneurs participant à la finale.

D’un côté, vous avez Paul Maurice des Panthers. Un homme coloré. Démonstratif. Qui n’a pas la langue dans sa poche. Il sait quand les caméras sont devant lui et il agit en conséquence. Il peut passer de la frustration à l’humour en quelques secondes. Parfois, ses conférences de presse sont plus divertissantes que les matchs en soi.

De l’autre côté, vous avez Knoblauch. Calme. Chirurgical. Toujours en contrôle, même lorsque ceux autour de lui ne le sont pas.

À part cette fois où…

« Je me souviens d’une seule occasion où il a perdu le contrôle », a raconté Connor Brown, qui a évolué sous les ordres de l’entraîneur à Érié. C’était avec les Otters. Il était fâché de la manière dont nous avions joué. Il s’était mis à lancer des gobelets en carton partout dans le vestiaire. »

Interrogé sur cette anecdote, Knoblauch a dit ne pas se souvenir du moment exact avant d’avouer que oui, c’est bel et bien arrivé qu’il ait perdu le contrôle.

Mais ce n’est plus jamais arrivé par la suite.

« L’un des gars m’avait dit que lancer des gobelets a seulement fait rire les gars. Le message n’avait pas eu l’effet escompté… »

Et tenez-le-vous pour dit : Knoblauch accorde beaucoup d’importance à l’efficacité avec laquelle ses messages sont passés.

« Pour lui, tout est une question de communication, a indiqué Brown. Il a toujours des gars dans son bureau. Il veut toujours savoir comment on se sent, à quoi on pense. »

À cet effet, Bassin se souvient que le bureau de Knoblauch était situé près de l’entrée principale de l’Insurance Arena d’Érié, de manière qu’il puisse plus facilement saluer et interagir avec ses joueurs à leur arrivée et à leur départ de l’amphithéâtre. Il se souvient aussi que l’instructeur avait un grand classeur rempli de schémas de jeux sur lesquels on pouvait lire « Ne fonctionne pas ». Un rappel à lui-même de ne pas répéter les erreurs du passé.

Knoblauch a d’ailleurs commis très peu d’erreurs depuis qu’il a remplacé Jay Woodcroft à la barre des Oilers le 12 novembre, après que l’équipe eut connu un départ catastrophique (3-9-1). L’équipe a présenté une fiche de 46-18-5 après le changement de garde et a pris le deuxième rang de la Pacifique. Jusqu’à maintenant, elle a remporté 12 de ses 18 matchs de séries, éliminant au passage les Kings de Los Angeles, les Canucks de Vancouver et les Stars.

« Les joueurs répondent à ses ordres. Il a sauvé notre saison », a vanté le directeur général Ken Holland.

Au passage, il s’est forgé la réputation d’appuyer constamment sur les bons boutons.

À de nombreuses reprises pendant les séries, il a laissé de côté son gardien partant Stuart Skinner, le vétéran Corey Perry et l’énergique attaquant Warren Foegele, qu’il a aussi dirigé à Érié avec Brown et un certain Connor McDavid. Et malgré tous les changements apportés à la formation, les Oilers se retrouvent en finale pour une première fois depuis 2006.

Knoblauch avait déjà connu du succès dans sa carrière d’entraîneur, notamment avec l’Ice de Kootenay, champion de la Ligue junior de l’Ouest (WHL) en 2011. Bassin l’a ensuite embauché chez les Otters en 2013 et la décision a immédiatement porté ses fruits. Érié a connu quatre saisons d’affilée d’au moins 50 victoires, une première dans l’histoire de la Ligue canadienne de hockey (LCH). Sous ses ordres, Brown est passé d’un joueur qui avait affiché un différentiel de moins-72 en 2011-12 à un marqueur de 128 points (45 buts, 83 aides) au différentiel de plus-44 en 2013-14.

Adjoint des Flyers de Philadelphie de 2017 à 2019, Knoblauch a été embauché par le Wolf Pack de Hartford, filiale des Rangers de New York dans la Ligue américaine de hockey. Lorsque le poste d’entraîneur-chef des Rangers est devenu vacant l’été dernier, sa candidature a été considérée, mais on lui a finalement préféré le plus expérimenté Peter Laviolette.

Quelques mois après avoir été embauché par les Oilers, il affrontera les Panthers, tombeurs de ces mêmes Rangers, en finale.

De quoi laisser envieux certains joueurs new-yorkais qu’il a dirigé à Hartford.

« Je viens de Calgary, je n’ai donc jamais vraiment aimé les Oilers. Ça me fait mal de les voir en finale, mais Kris a été incroyable avec moi, a souligné l’attaquant et favori de la foule Matt Rempe. J’étais dans son bureau presque tous les jours et il me parlait, il apprenait à me connaître. Avec sa vision, il m’a aidé avec plein de détails de mon jeu. Il a été d’un grand soutien, proche de la famille et plus encore. Il prenait toujours de mes nouvelles.

« Je ne lui souhaite que le meilleur. Il a été un entraîneur incroyable et je suis heureux de voir tout le succès qu’il a à Edmonton. »

Victoire ou défaite, Knoblauch approche chaque match comme il l’a toujours fait : de manière très méthodique, en prenant avantage des forces de son équipe et des faiblesses des adversaires.

« Je suis assez rigide quant à mes convictions, a-t-il affirmé. Lors de ma première année d’entraîneur, on m’a donné le conseil ‘’d’être moi-même’’. Il m’a dit qu’il y avait plusieurs manières de diriger, mais que si tu deviens quelqu’un que tu n’es pas, les joueurs vont immédiatement s’en apercevoir. »

Il est possible que la stoïcité de Knoblauch laisse place à un peu d’émotion lors du troisième match de la finale, jeudi. C’est parce que ses parents, Holly et Bob, prévoient faire le voyage d’Imperial à Edmonton, quelques centaines de kilomètres à l’ouest, pour voir leur fils tenter de ramener la Coupe Stanley au Canada une première fois en 31 ans.

« C’était son but depuis le début de sa carrière. Son rêve était de se rendre à la LNH. Il y est finalement arrivé », s’est réjoui Bob en entrevue à CTV News, plus tôt cette semaine.

« Ce sera superbe de le voir derrière le banc, à essayer de gagner la Coupe Stanley, pour Edmonton, pour Imperial et pour le Canada. »

Humble, son fils n’aurait pu dire mieux.

Avec la collaboration du journaliste principal NHL.com Dan Rosen

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