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L'un a déjà deux bagues de la Coupe Stanley à ses doigts, l'autre gravit lentement les échelons qui le mèneront à temps plein dans la LNH. Les frères Mathieu et Pierre-Olivier Joseph n'en sont pas au même stade de leur carrière et ne jouent pas dans la même équipe, mais ils ont hérité d'une mission commune.

Par la force des choses et par leur volonté de faire progresser leur sport vers un idéal, ils sont devenus des visages forts de la lutte à la discrimination et de la promotion de la diversité dans le hockey professionnel. À respectivement 25 et 22 ans, leur implication ne se limite plus qu'à la patinoire.
Nés d'un père haïtien, Frantzi Joseph, et d'une mère québécoise, France Taillon, ils ont maintenant la conviction de pouvoir se servir de leur statut d'athlète pour être des acteurs de changement - même si ce n'est pas nécessairement un rôle qu'ils s'attendaient à jouer.
« Ça vient avec le temps, a expliqué Mathieu, un attaquant du Lightning de Tampa Bay. Je ne pensais pas être un ambassadeur et ce n'est pas mon but non plus. J'essaie seulement de faire grandir le sport que j'aime et dans lequel j'ai évolué toute ma vie.
« C'est important pour moi de me souvenir d'où je viens et des situations que j'ai dû surmonter en raison de la couleur de ma peau ou de la façon dont les gens me perçoivent. Tout ça s'est fait de fil en aiguille, et si je peux avoir un impact sur les jeunes et sur la population en général, la décision est facile à prendre. »

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L'aîné de la famille a pris part à de nombreuses initiatives mises sur pied par l'organisation du Lightning depuis sa première saison chez les professionnels, en 2017-18, mais c'est surtout dans la foulée de la mort tragique de George Floyd et des manifestations « Black Lives Matter », à l'été 2020, qu'il s'est fait entendre.
En plein parcours du Lightning vers sa première conquête de la Coupe Stanley, il avait porté la question du racisme à l'avant-plan et incité le circuit à interrompre ses séries éliminatoires pour laisser toute la place à la réflexion, en compagnie de plusieurs autres joueurs issus des minorités visibles.
« C'était important pour moi d'utiliser ma voix et mes plateformes pour la cause, a-t-il raconté à propos de cet évènement marquant. Je voulais en parler avec mes coéquipiers et avec les autres joueurs qui étaient dans la bulle. Mon implication a pris de l'ampleur à ce moment-là parce que tout le monde en parlait. »
« Je trouve ça vraiment beau de le voir aller. Je le connais depuis longtemps et je sais à quel point il est une personne extraordinaire », a fait valoir le défenseur des Sénateurs d'Ottawa Thomas Chabot, un ancien coéquipier de Mathieu au niveau junior.
« De le voir prendre position et faire avancer la cause, c'est vraiment quelque chose d'énorme. Il y a eu du progrès dans le monde du hockey, mais c'est important que des gars comme Mathieu, son frère et Anthony Duclair prennent l'initiative sur cet enjeu vraiment important. On pousse tous dans la même direction. »
Pierre-Olivier a certes été inspiré par son frère, mais il a lui-même décidé de contribuer à la cause dès ses premiers coups de patin chez les professionnels.
L'espoir de premier plan des Penguins de Pittsburgh a participé à des cliniques avec des jeunes issus des communautés noires de la région de Pittsburgh par le biais de la Fondation de l'équipe, et il n'hésite pas à monter aux barricades quand vient le temps de dénoncer des actes racistes et de conscientiser la population.
« Ça s'améliore, mais il y a encore des gens ignorants, a martelé le cadet, qui évolue dans la Ligue américaine. On peut toujours faire mieux, et c'est important de ne jamais imposer une limite au progrès. Plus il y aura de progrès, mieux ce sera. Il n'y a jamais rien de parfait, on peut toujours travailler dans le but d'améliorer les choses.
« Je m'exprime comme individu avant tout, a-t-il poursuivi. Mon objectif n'est pas d'être un porte-parole, mais ce sont des choses qui viennent me chercher émotionnellement et humainement. On a la chance d'avoir une visibilité comme athlète, alors c'est plus facile pour nous de faire avancer la cause. »
La force des racines
Ce n'est pas un hasard si les deux frangins ont décidé de s'impliquer, chacun à leur façon, dans des initiatives qui touchent directement les communautés noires. Ils veulent simplement donner au suivant.
« Ces enjeux ont été importants dans notre jeunesse, s'est souvenu Mathieu. En grandissant à Montréal-Nord, ç'a été facile de s'ajuster à un milieu très diversifié. Ç'a été plus difficile quand on est arrivés sur la Rive-Sud parce que nous étions davantage en minorité.
« On a été élevés avec le respect comme valeur première. Pour nous, tout le monde est pareil. Tout le monde mérite le respect qu'importe sa couleur de peau, sa religion, ou quoi que ce soit. Je pense que c'est la meilleure façon de voir le monde et c'est comme ça qu'on a été éduqués. »
Les frères Joseph se souviennent d'où ils viennent et savent qu'ils sont désormais des modèles de réussite et des exemples à suivre pour les jeunes qui aspirent à faire comme eux. Sans chercher l'attention et la reconnaissance à tout prix, ils sont conscients de l'impact qu'ils peuvent avoir grâce à leur visibilité.
« Comme athlète, c'est important de protéger les futures générations et de leur montrer qu'il ne faut pas se laisser marcher sur les pieds, a conclu Pierre-Olivier. Je suis passé à travers des situations difficiles qui sont similaires à celles que certains jeunes peuvent vivre en ce moment.
« Je veux qu'ils voient que je suis encore là et que ma passion du hockey est plus grande que les émotions que je peux ressentir envers des gens ignorants. Si je peux être une source d'inspiration et me faire découvrir comme personne, je pense que ça aide plus que des paroles en l'air. »