Notre chroniqueur Anthony Marcotte nous parle de l'actualité chez le Rocket de Laval ainsi que dans l'ensemble de la Ligue américaine de hockey (LAH). Il permettra aux partisans de suivre assidûment ce qui se passe dans l'antichambre de la meilleure ligue de hockey au monde.
SYRACUSE – L’arrivée de Joël Bouchard à la barre du Crunch de Syracuse, le club-école du Lightning de Tampa Bay dans la Ligue américaine a fait grand bruit. Julien BriseBois pigeait de nouveau dans sa cour en embauchant un entraîneur québécois pour en remplacer un autre, Benoît Groulx, qui venait de connaître sept bonnes saisons à la barre de l’équipe sans jamais rater les séries.
Avant de plonger dans ce troisième défi différent dans l’antichambre de la LNH, l’homme de hockey maintenant âgé de 49 ans s’est assuré des services de son partenaire de longue date, Daniel Jacob, et l’entraîneur des gardiens Maxime Vaillancourt, qui fait le saut chez les pros après plusieurs années dans les mêmes fonctions chez l’Armada de Blainville-Boisbriand.
Bien détendu dans son bureau, Joël Bouchard a accepté de nous rencontrer à quelques heures d’un premier face-à-face contre le Rocket de Laval, là où il a laissé sa marque pendant trois saisons de 2018 à 2021. C’est avec la fierté dans la voix qu’il nous parle de certains joueurs qu’il a dirigés et qui ont fini par atteindre la LNH afin d’y rester comme Jake Evans, Michael Pezzetta, Jesse Ylönen, Rafaël Harvey-Pinard ou encore Cayden Primeau.
Voici Joël Bouchard en cinq questions. Vous comprendrez qu’on a gardé le meilleur parce que quand on ouvre l’enregistreuse avec le volubile entraîneur, on en a pour longtemps!
Tout d’abord, merci, Joël, d’accepter de nous parler ce matin (samedi) à quelques heures de votre match contre le Rocket de Laval. Ça fait bizarre de te voir avec un coton ouaté du Crunch de Syracuse sur le dos! (rires)
Ah! Mais il est confortable! (rires). Honnêtement, ce n’était pas prévu d’être ici, mais c’est le fun. C’est un super beau challenge. J’ai toujours regardé Tampa (Bay) de l’extérieur. Je connaissais déjà beaucoup de gens dans l’organisation. Julien BriseBois, Stacy Roest, Mathieu Darche, Jamie Pushor… Je le vis maintenant de l’intérieur. On ne fait que commencer, mais je te dirais qu’il y a une belle vibe ici.
On parle souvent de la tradition de succès chez le Lightning, mais c'est également le cas chez le Crunch, qui est dans la course année après année. Benoît Groulx a fait de l’excellent travail avec le groupe en place en connaissant beaucoup de succès, et tu vas tenter de poursuivre dans la même veine. D’arriver dans une situation comme ça avec une équipe aux bases déjà bien établies, est-ce que c’est un ajustement pour toi?
Non, zéro! Parce que dès que je suis arrivé là-bas, je me suis rendu compte que tout me parlait. Il y a déjà plein de choses que Tampa fait que j’appliquais déjà avec l’Armada ou encore le Rocket. Je te dirais que la communication est très facile parce qu’on vit sur la même planète.
Julien et Stacy sont très clairs, ils me demandent de faire ce que j’ai à faire. Il n’y a pas de consignes préétablies ou de façons de faire. Je leur fais part de mes impressions et ils me font confiance. Au-delà de leur plan, ils ont aussi une façon de faire qui me parle énormément. Leurs valeurs me parlent. La façon dont ils voient le hockey me parle. La façon dont ils gèrent les situations me parle. C’est juste naturel pour moi.
C’est difficile (de diriger une équipe) quand tu as une philosophie différente, ou encore une autre façon de travailler. Je sais que Julien est quelqu’un de très humble et qu’il s’estime chanceux (d’avoir connu du succès), mais je peux te dire qu’il est tout un chef d’orchestre. Le personnel autour de lui nous encadre très bien. On se sent bien organisé. Disons que la décision d’accepter le poste n’a pas été difficile à prendre.
Tu as travaillé pour trois organisations différentes de la LNH en peu de temps. Serais-tu capable d’identifier les plus grandes différences dans la manière de faire à Montréal, Anaheim et Tampa Bay?
Si on faisait le tour des 32 équipes, elles auraient toutes leurs différences. La seule chose là-dedans, c’est que ce ne serait pas juste de les comparer parce qu’elles ne sont pas toutes à la même place dans leur développement. J’ai été dans des équipes où tout le programme était en reconstruction. Là je suis avec une équipe qui a gagné la Coupe Stanley deux fois et qui est allée en finale l’année suivante. L’équipe est encore très compétitive et son but est encore de se rendre jusqu’au bout.
Tout ça pour dire que les choses sont différentes partout. Je reste donc dans le moment présent avec ma nouvelle équipe. Ça me sort de ma zone de confort et ça me force à apprendre des choses différentes. Je pense que comme entraîneur, on a toujours besoin de ça.
C’est normal que les équipes gèrent les choses d’une autre façon, car elles ne sont pas rendues au même endroit.
Tu as pris une année de recul l’an dernier alors que tu étais toujours sous contrat à Anaheim. On t’a revu dans les médias où tu as toujours excellé dans le passé. Tes analyses sont propres à toi et tu as eu une manière unique de les expliquer. Mais tu demeures un coach dans l’âme. C’est ce que tu désirais de retourner en arrière d'un banc le plus rapidement possible?
Je te dirais oui et non. Je n’étais pas malheureux à TVA Sports, loin de là. J’ai aimé retourner m’impliquer avec l’Armada où je suis toujours actionnaire pour leur donner un petit coup de main dans la transition vers de nouveaux propriétaires (l’équipe a changé de main en juin dernier). L’objectif n’était pas d’y retourner (derrière un banc) à tout prix. Je voulais retourner dans une situation qui allait venir me chercher.
Si on m’avait présenté quelque chose de moins attrayant comme situation, j’aurais été bien correct de rester où j’étais. J’ai la chance de toujours faire ce qui me tente et j’estime être quelqu’un de très chanceux dans la vie. J’ai adoré retourner à la télévision avec toute notre équipe l’an dernier. On a eu beaucoup de plaisir.
C’est juste que quand Julien BriseBois t’appelle, tu réponds et tu écoutes! C’est ce que j’ai fait, et je peux te dire qu’en ce moment, je ne le regrette pas parce que j’aime comment les choses vont.
Quand on regarde ton profil de carrière, on ne peut que remarquer le nombre important d’équipes différentes pour lesquelles tu as travaillé (14 formations professionnelles différentes comme joueur, et trois autres comme entraîneur-chef). Souvent dans les réponses que tu offres, tu nommes des gens de hockey que tu connais depuis longtemps. Y a-t-il quelqu’un dans le sport que tu ne connais pas, Joël? (rires)
Oui, il y en a, mais c’est vrai que de connaître beaucoup de gens facilite les choses dans la communication. Ça veut dire que j’ai réussi à me faire beaucoup d’amis à travers la LNH. Ça m’a apporté un beau bagage d’expérience en côtoyant ces gens-là. J’ai eu la chance de vivre un paquet de choses et tu prends le pour et le contre de tout ça. Je pense que ça aide au bagage du gars de hockey.
J’ai aussi tellement été blessé durant ma carrière que j’avais souvent un pas de recul à faire dans l’évaluation des situations. Quand tu es sur la passerelle, tu peux mieux observer ce qui se passe. Tu peux mieux évaluer les situations d’en haut que quand tu joues.
Je me sens privilégié d’avoir eu le parcours que j’ai eu et d’avoir eu la chance de rencontrer autant de personnes qui m’ont permis de me développer comme gars de hockey.
Est-ce que c’est spécial pour toi de renouer avec le Rocket, et aussi avec Jean-François Houle avec qui tu as travaillé pendant quelques années derrière le banc de l’Armada?
Les gens doivent comprendre que j’ai quitté le Rocket sans aucune amertume. On venait de connaître une saison extraordinaire et j’étais dans une excellente situation près de ma famille. C’est juste que l’occasion était trop belle à laisser passer quand Anaheim a communiqué avec moi. Les choses changent rapidement dans le hockey (il a été congédié après une saison à la barre des Gulls de San Diego, le club-école des Ducks), mais ça me permet aujourd’hui de vivre quelque chose de complètement différent avec le Lightning.
Concernant JF, évidemment c’est un ami. J’apprécie tellement l’homme et le gars de hockey qu’il est, c’est incroyable. Je suis bien content de pouvoir revoir tous ceux avec qui j’ai travaillé pendant mon temps avec le Rocket. Je ne suis pas un gars qui fonctionne avec l’émotion d’un bord ou de l’autre; je ne suis pas de même dans la vie. On a un match à jouer; eux c’est la même chose.
Quand je pense à mon temps avec le Rocket, je me rappelle où ça a commencé, avec une équipe ordinaire, jusqu’où ça s’est terminé avec une excellente équipe. Je peux te dire que l’équipe de la saison 2020-21 est peut-être la meilleure que j’ai dirigée dans ma carrière (elle avait pris le premier rang de la section canadienne pendant la pandémie; une saison s’étant soldée sans séries éliminatoires). C’était tellement une belle expérience que je ne regrette absolument pas.
PHOTO : Crunch de Syracuse