BUFFALO – Samuel Poulin se tenait à peu près au même endroit où, un an plus tôt, il avait rencontré les journalistes québécois pour parler de ses objectifs pour la saison à venir et de son désir de percer la formation des Penguins de Pittsburgh pour de bon.
Cette fois, aux abords de la glaciale patinoire secondaire du complexe d’entraînement des Sabres de Buffalo, on ne lui a pas parlé de hockey. On lui a simplement demandé s’il allait bien. Et il a répondu avec le sourire aux lèvres.
« C’est le jour et la nuit, a-t-il raconté devant une poignée de médias. J’ai appris à me connaître, j’écoute mon corps plus qu’avant et ça aide. Je suis content d’avoir pris ce temps de repos. Au début, je ne le voyais pas de même, mais avec le recul, je vois que ç’a porté fruit et j’en ressors grandi. »
C’est que même si l’attaquant a enfin atteint son rêve de disputer des matchs dans la grande ligue – trois pour être exact – il a dû s’éloigner du hockey au début du mois de décembre parce que sa tête ne suivait plus. On a alors annoncé qu’il se retirait pour des raisons personnelles.
Sans préciser la nature exacte de ses problèmes, Poulin s’est récemment ouvert sur ses médias sociaux en spécifiant qu’il s’agissait d’une question de santé mentale.
« Je reste vraiment en surface, je ne veux pas rentrer dans les détails, mais j’arrivais à l’aréna et j’étais…, a-t-il amorcé, songeur. Quand j’ai commencé à jouer à quatre ou cinq ans, j’avais un sourire dans la face tous les jours que j’avais un bâton dans les mains.
« Mais avec les années, j’avais perdu ça un peu. C’est ça que j’ai retrouvé dans les derniers mois. Ça fait juste vraiment du bien de savoir que je vais à l’aréna pour avoir du fun avec les boys. »
Poulin a disputé son dernier match avec le club-école de Wilkes-Barre, le 4 décembre, et il est revenu au jeu à la toute fin de la saison pour deux rencontres au mois d’avril. À son retour, il tenait à discuter avec ses coéquipiers pour leur expliquer en détail ce qui s’était passé.
Il dit avoir trouvé une oreille attentive et n’avoir reçu que du soutien de leur part quand il a décidé de s’ouvrir sur ce qu’il avait vécu. Même chose chez les membres de la nouvelle direction de l’équipe, le directeur général Kyle Dubas et son adjoint Jason Spezza.
« C’est arrivé soudainement et mes coéquipiers n’étaient pas au courant, a-t-il expliqué. Ils ne m’ont pas vu pendant quatre mois. Quand je suis revenu, je leur ai expliqué ce qui s’était passé de A à Z, la situation et ce que j’avais travaillé à la maison. Ça me tenait à cœur de le faire. »
Autre époque
Poulin n’est assurément pas le premier joueur qui doit négocier avec des problèmes de santé mentale, mais il est encore l’un des rares qui ont eu le courage d’en parler ouvertement dans un milieu qui n’a pas toujours accueilli les ennuis personnels de la meilleure manière.
Il en sait quelque chose : son père Patrick a disputé 11 saisons dans la LNH, cinq avec les Canadiens de Montréal, du début des années 90 jusqu’au début des années 2000.
« C’est merveilleux qu’on soit rendus là, en 2023, a-t-il souligné. Dans le temps de mon père, ce n’était aucunement comme ça. Il me le disait. La mentalité était de ne rien dire et de se fermer la bouche. Je suis content de voir que c’est de moins en moins tabou et que les gens s’ouvrent de plus en plus.
« Ce n’est pas comme une blessure au genou, que tu fais un scan et que tu vois que c’est déchiré. Ça ne marche pas de même. C’est plus dur à visualiser, à comprendre. »
Maintenant qu’il est mieux outillé pour gérer ses problèmes, Poulin peut se concentrer davantage sur le hockey sans se mettre de pression. Il ne se fait plus d’attentes quant à sa destination – la LNH ou la Ligue américaine – et il veut « juste avoir du fun ».
« C’est un processus en continu, a-t-il conclu. J’aurai des journées plus dures. C’est d’apprendre de ces mauvaises journées pour ne pas passer par les mêmes embûches. Souvent, les gens essaient de refouler le plus possible leurs émotions. Ce n’est pas comme ça que ça va s’améliorer.
« C’est seulement en fonçant vers le problème que ça va aller mieux. »