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Laura Halldorson n’arrivait pas à croire ce qui était en train de se produire. Neuf secondes après le début de la troisième période du match de championnat national de la NCAA, son équipe de l’Université du Minnesota venait de prendre les devants contre l’Université Harvard, grâce à un but de Natalie Darwitz, aidée par Krissy Wendell.

Mais les arbitres se consultaient. L’attaquante de Harvard Angela Ruggiero s’entretenait avec eux pour déterminer s’il y avait eu un coup de sifflet et si le but allait compter.

« J’étais contrariée. Je disais : “C’est notre but, notre but dans un match de championnat. Ne nous l’enlevez pas” », a raconté Halldorson, alors entraîneuse du Minnesota. « J’étais déchaînée. »

Wendell s’est approchée.

« Je ne l’oublierai jamais, a ajouté Halldorson. Krissy m’a dit : “C’est correct, Coach. Parce que s’il ne compte pas, nous allons tout simplement en marquer un autre.” »

Au terme d'un long délai, le but a été accepté. Et 32 secondes plus tard, le Minnesota a marqué de nouveau, un but de Kelly Stephens après un tir de Wendell. Après un but de Wendell et un autre de Darwitz pour compléter son tour du chapeau, le Minnesota a remporté le championnat grâce à un gain de 6-2.

Du grand Wendell.

« Elle était tellement calme, confiante et à l’aise sous pression dans les moments importants, et ça fait partie de son côté compétitif que j’ai toujours aimé », a dit Halldorson au sujet de l’attaquante.

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C’est la joueuse qu’elle a toujours été à partir de 5 ans, quand elle comptait les jours jusqu’à ce qu’elle ait l'âge de s’inscrire au hockey pour apprendre le sport qui l’a conduite à deux championnats consécutifs de la NCAA, une médaille d’or et cinq médailles d’argent au Championnat du monde de hockey féminin et des médailles d’argent et de bronze aux Jeux olympiques 2002 et 2006, alors qu'elle était capitaine de son équipe.

Et maintenant, cette carrière va la conduire au Temple de la renommée du hockey.

Wendell, qui porte aujourd’hui le nom Wendell-Pohl, rejoindra sa coéquipière de longue date Darwitz parmi les sept intronisés au Temple dans la cuvée 2024. La cérémonie aura lieu lundi.

« Krissy est probablement l’une des meilleures joueuses de hockey que j’ai vues jouer, a affirmé Darwitz. Elle était une marqueuse naturelle et avait un flair autour du filet. Elle avait quelques feintes propres à elle. Tout le monde savait qu’elles s’en venaient, mais personne ne pouvait les arrêter.

« Elle était dynamique. Elle avait une aura, une confiance dans son style de jeu. Elle était une machine à jeux spectaculaires. »

Darwitz en sait quelque chose. Les deux ont grandi dans le hockey au Minnesota, puis ont évolué ensemble à l’Université du Minnesota. Elles ont ensuite rejoint l’équipe nationale au même moment, ratant de peu une participation aux Olympiques de 1998, quand les Américaines ont remporté l’or. Elles ont presque toujours évolué sur le même trio, la vitesse et le tir de Darwitz se jumelant parfaitement à la capacité de Wendell-Pohl à manœuvrer à travers la circulation et à en ressortir avec la rondelle.

Ce parcours s’est amorcé à l’âge de 5 ans.

« Je me souviens d’avoir demandé à mes parents de jouer au hockey, a raconté Wendell-Pohl. Ils m’ont répondu que je devais attendre l’âge de 5 ans. Aujourd’hui, ils admettent qu’ils se disaient que les filles ne jouaient pas vraiment au hockey et qu’ils croyaient que j’allais peut-être me trouver un autre sport. »

Elle n’a jamais changé d’idée. Ils ont tenu parole.

« J’ai adoré ça dès le début à l’âge de 5 ans, a-t-elle renchéri. Ce n’est pas un sport que toutes tes amies pratiquaient à l’école. Mon frère jouait, et je suis tombée amoureuse de ce sport. J’adorais compétitionner et patiner. J’aimais être sur la patinoire. Ma passion pour ce sport a été immédiate. »

En 147 matchs avec l’équipe nationale américaine, Wendell-Pohl a inscrit 247 points (106 buts, 141 passes). Elle a récolté 237 points (107 buts, 141 aides) en 101 rencontres réparties sur trois saisons dans les rangs universitaires, ce qui la place au quatrième rang de l’histoire de la NCAA pour la moyenne de points par partie (2,35). Elle a remporté le prix Patty-Kazmaier en 2005 à titre de meilleure joueuse dans les rangs universitaires, après avoir amassé 104 points (43 buts, 61 passes) en 40 matchs.

Avant cela, elle a marqué 219 buts en deux saisons avec l’école secondaire Park Center de Brooklyn Park, au Minnesota. Elle est ainsi devenue la première joueuse – incluant les garçons – à inscrire plus de 100 buts en une seule campagne, ce qu’elle a fait à deux reprises.

« Quand je dis qu’elle était un génie avec la rondelle, elle était une joueuse électrisante », a souligné Cammi Granato, qui est membre du Temple de la renommée et qui a passé quatre ans à jouer sur le même trio que Wendell-Pohl et Darwitz. « Elle était tellement plaisante à regarder en raison de toutes ses habiletés – son maniement de rondelle et son jeu en zone offensive.

« Les gens étaient subjugués. Elle déjouait une joueuse avant de servir une tasse de café à une défenseuse pour la contourner. Il y avait un aspect fascinant dans son jeu. »

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Ce talent, c’était avant tout des habiletés naturelles, un sens du jeu inné et un dévouement envers le hockey. Wendell-Pohl était toujours en train de jouer ou de regarder du hockey. Elle revenait à la maison et allumait la télévision pour regarder des matchs universitaires ou professionnels. Elle s’entraînait pour comprendre comment le jeu évoluait dans un sport en constante transformation. Il y en a eu des matchs sur la patinoire extérieure lors desquels elle a appris de chaque bon ou mauvais jeu.

C’est justement lors d’un de ces matchs en plein air que Winny Brodt-Brown, une future coéquipière à l’Université du Minnesota et au sein de l’équipe nationale, a rencontré Wendell-Pohl pour la première fois. En regardant cette fille quatre ou cinq ans plus jeune, elle s’est dit : « Wow, cette fille a du talent. »

Elle est allée la voir après le match. Wendell-Pohl avait un œil au beurre noir.

Elle s’était blessée en jouant au basketball avec son frère, ce qui témoigne du genre d’enfance qu’elle a eue. La compétition coulait dans les veines de Wendell-Pohl et de sa famille, et elle a passé sa jeunesse à pratiquer plusieurs sports et à y exceller, que ce soit le hockey, le tennis de table ou même le baseball. Elle est d’ailleurs la cinquième fille à avoir participé à un match de la Série mondiale des Petites ligues en 1994.

« Oh oui, a pensé Brodt-Brown. C’est une dure également. Bonne et dure. »

Ce n’est pas que Wendell-Pohl était une joueuse robuste. Son jeu était plutôt tout en finesse, intelligent. Elle jouait toujours avec un sourire aux lèvres, mais ce sourire pouvait également faire sortir ses adversaires de leurs gonds.

« Selon moi, ce qui ressortait vraiment chez Krissy, ce sont ses mains, a noté Halldorson. Sa capacité à contrôler et protéger la rondelle, contourner les joueuses. Elle est célèbre pour ses mains et ses feintes. »

Darwitz était la franc-tireuse. Wendell-Pohl s’occupait de déplacer la gardienne.

Un duo difficile à contenir.

« Quand vous combinez son sens du jeu, sa capacité à contrôler la rondelle et sa force – elle était tellement forte sur ses patins, a énuméré Halldorson. Elle était imposante et forte, et elle pouvait protéger la rondelle le long de la rampe et gagner ses batailles. Elle savait aussi quand passer et quand tirer. »

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Le hockey a fait partie de la vie de Wendell-Pohl et de celle de son époux John Pohl, qui a joué 115 matchs dans la LNH avec les Maple Leafs de Toronto et les Blues de St. Louis, mais ce fut de courte durée. À 24 ans, Wendell-Pohl a tiré sa révérence, mettant un point final à une carrière digne du Temple de la renommée à un âge où d’autres n’en sont qu’à leurs débuts.

« Je n’ai pas arrêté de jouer parce que je pensais que je n’en étais plus capable, a assuré Wendell-Pohl. J’avais joué tellement longtemps et ça occupait une partie tellement grande de ma vie que je jugeais que c’était le bon moment pour faire la transition vers la phase suivante de ma vie. »

Elle était prête à avoir des enfants, à fonder une famille. La décision n’a pas été difficile.

Le hockey avait représenté tout pour elle. C’était 90 pour cent de sa vie. Elle en mangeait.

Mais à la toute fin, elle était certaine de sa décision.

« Je n’ai aucun regret », a-t-elle ajouté.

Aujourd’hui, elle est toujours impliquée dans le sport qu’elle aime, agissant comme entraîneuse, mais aussi comme dépisteuse chez les Penguins de Pittsburgh depuis 2021. Elle participait à une réunion en vue du repêchage 2024 quand elle a reçu l’appel du Temple de la renommée.

Elle venait d'atteindre le sommet. Darwitz aussi.

C’était le scénario parfait pour une joueuse qui connaissait son avenir à l’âge de 5 ans, pour deux coéquipières qui ont brillé ensemble et qui ont pavé la voie pour les joueuses qui sont passées après elles.

« Ces deux-là ont vraiment contribué à donner de la visibilité au hockey féminin, a dit Halldorson. Selon moi, ils figurent sur le mont Rushmore du hockey féminin au Minnesota, aux États-Unis et, aujourd’hui, dans le monde entier. »

*Avec la contribution du correspondant indépendant NHL.com Derek Van Diest.

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