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MONTRÉAL - Doug Boulanger a l'habitude de travailler avec des hockeyeurs qui voient grand. Même très grand. Mais rarement avait-il vu un jeune aussi déterminé à se donner les moyens de ses ambitions avant de croiser la route de Tim Stützle.

C'était l'été dernier.

Maintenant établi en Suisse, l'entraîneur québécois au développement des habiletés avait reçu l'invitation de Newell Brown, l'entraîneur adjoint des Canucks de Vancouver, afin d'aller transmettre son savoir à quelques joueurs dans le cadre d'un camp de perfectionnement à Saint Pölten, en Autriche.

Alors âgé de 17 ans, le jeune prodige allemand était du nombre, tout comme ses compatriotes Tom Kuhnhackl, des Islanders de New York, et Tobias Rieder, des Flames de Calgary.

« Sa plus grande force, c'est son niveau de compétition, a lancé Boulanger, qui est propriétaire du complexe d'entraînement Open Ice Sport Services, à Zoug. Tout est une compétition pour lui. S'il fait un exercice, il va compter le nombre de répétitions pour être sûr d'en faire une de plus, la fois d'après.

« Quand on finissait les journées au camp, Kühnhackl et Rieder me regardaient, l'air de dire : "Il est fou, le jeune!" Tout était fini et il allait faire des sprints sur la piste. Avec sa mentalité et son sens de la compétition, il est vraiment au-dessus de tout le monde. »

Ce n'est donc pas une surprise pour le pilote expatrié de voir que Stützle est désormais considéré comme le meilleur espoir international par le Bureau central de dépistage de la LNH en vue du prochain repêchage. Il n'a pas non plus sourcillé quand l'attaquant a été nommé recrue de l'année dans la DEL.

Auteur de 34 points, dont sept buts, en 41 matchs à sa toute première campagne dans la ligue professionnelle allemande, disons que le « jeune fou » avait annoncé ses couleurs à la veille de la saison.

« On avait un groupe LNH et il avait clairement sa place là, s'est souvenu Boulanger, qui est aussi l'entraîneur de l'équipe nationale des moins de 20 ans de Lituanie. C'est là que j'ai vu qu'il était une coche au-dessus. C'est dans sa manière de jouer la petite game que tu vois toute la différence.

« Il n'est pas flamboyant, vraiment pas. Mais il est capable de faire les jeux qui font la différence. Ce ne sont pas des faits saillants à la Connor McDavid. Quand le jeu se referme sur lui et que tu crois qu'il ne passera pas, il passe quand même.

« Soit il passe grâce à sa force, parce qu'il fait la bonne passe ou parce que son timing est parfait. Quand le jeu est près de lui, il est au-dessus de la norme. Il est capable de faire des jeux que peu de joueurs de son âge sont en mesure d'exécuter avec autant de pression ou contre des hommes. »

Ce sont des attributs qui n'ont pas échappé à l'ancien attaquant des Canadiens, Maxim Lapierre. Celui qui s'aligne maintenant pour les Ours de Berlin a croisé le fer avec la jeune sensation à quelques occasions, cette saison.

« C'est un gars tellement dynamique et tellement fort physiquement, a-t-il fait valoir. C'est le style de joueur qui sort une feinte à laquelle tu ne peux vraiment pas t'attendre. Il est capable de surprendre tout le monde. Tu peux être sûr que ça va faire mal quand il va faire la transition en Amérique du Nord. »

Prêt pour le « show »?

Qu'en est-il, justement, de cette transition? Comme ce fut le cas pas plus tard que l'an dernier avec le défenseur allemand Moritz Seider, les équipes qui auront le privilège de repêcher de façon hâtive se retrouvent à nouveau devant un important dilemme.

Si les Red Wings ont surpris un peu tout le monde en sélectionnant Seider dès le sixième rang, l'an dernier, on peut se demander si Stützle n'a pas quant à lui fait son chemin jusque derrière Alexis Lafrenière, le consensus au premier échelon.

Les équipes concernées devront se lancer dans des comparaisons pas toujours évidentes avec des attaquants comme Quinton Byfield, Cole Perfetti et Marco Rossi, qui évoluent dans la Ligue canadienne et que les recruteurs connaissent comme le fond de leur poche. Ce n'est souvent pas le cas des Européens.

« Pour moi, il ne fait aucun doute que Stützle aurait été un joueur dominant dans la LCH s'il s'était retrouvé dans les mêmes dispositions qu'à Mannheim, a avancé Boulanger. C'est sûr qu'il aurait été exceptionnel, comme Rossi - le meilleur marqueur de la OHL - l'a été à Ottawa. »

Et à quoi peut-on s'attendre de l'Allemand quand il fera le saut dans la LNH?

« Je pense qu'il est capable de jouer dès l'an prochain, mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'il casse tout, même si, selon moi, il doit sortir parmi les deux premiers au repêchage, a expliqué Boulanger. Il est mature physiquement et c'est un joueur de concession.

« L'avantage avec lui, c'est que ce n'est pas un gars unidimensionnel, contrairement à certains autres. Il a cette capacité à jouer sur l'infériorité numérique autant qu'à faire rouler l'avantage numérique. C'est un gars physique qui peut aller devant le filet et qui n'a pas peur de se salir le nez. »