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La cérémonie d’intronisation du Temple de la renommée du hockey 2024 aura lieu lundi. La cuvée de cette année inclut Pavel Datsyuk, Shea Weber, Jeremy Roenick, Natalie Darwitz, Krissy Wendell-Pohl, Colin Campbell et David Poile. Aujourd’hui, le chroniqueur NHL.com Nicholas J. Cotsonika dresse le portrait de Datsyuk.

Pavel Datsyuk a été ignoré deux fois au repêchage de la LNH avant que les Red Wings de Detroit ne le découvrent.

En 1997-98, le dépisteur Hakan Andersson s’est rendu à Yekaterinburg, en Russie, à près de 1800 kilomètres à l’est de Moscou, afin de voir Dmitri Kalinin, un défenseur qui allait être réclamé par les Sabres de Buffalo au 18e rang au total du repêchage 1998 de la LNH.

Un attaquant de l’équipe adverse se trouvait sur le flanc droit en avantage numérique lorsque le défenseur a raté la rondelle. L’attaquant s’est replié afin de contrer un 2-contre-1, plongeant au moment parfait pour placer son bâton sur la rondelle et l’envoyer dans le coin de la patinoire.

« Je me souviens m’être dit qu’il était un joueur de petit gabarit, qu’il travaillait fort et qu’il semblait posséder certaines aptitudes », a raconté Andersson, qui est aujourd’hui le directeur du dépistage européen des Red Wings. « Au cours de ce match, j’avais pu voir qu’il possédait de bonnes mains et un certain sens du jeu. J’étais loin de me douter de ce qu’il allait réaliser plus tard dans la LNH, mais on pouvait voir qu’il avait du potentiel. J’ai donc écrit mon rapport sur Kalinin, puis j’ai ajouté des notes sur cet autre gars. »

Cet autre gars va faire son entrée au Temple de la renommée du hockey à Toronto lundi en compagnie de Colin Campbell, Natalie Darwitz, David Poile, Jeremy Roenick, Shea Weber et Krissy Wendell-Pohl.

Sélectionné en sixième ronde (171e au total) du repêchage 1998, Datsyuk a remporté la Coupe Stanley à deux reprises (2002 et 2008), le trophée Selke trois fois à titre de meilleur attaquant défensif de la LNH (2008, 2009, 2010), ainsi que le trophée Lady-Byng à quatre occasions à titre de joueur le plus gentilhomme du circuit (2006, 2007, 2008, 2009). Il a évolué avec les Red Wings de 2001 à 2016, et Detroit n’a jamais raté les séries éliminatoires de la Coupe Stanley au cours de ses 14 saisons avec l’équipe.

Pavel Datsyuk HHOF main

Il a été retenu parmi les 100 meilleurs joueurs de la LNH lorsque la ligue a célébré son centenaire en 2017. Surnommé le « Magic Man » par l’analyste des Red Wings à la télévision Mickey Redmond, Datsyuk a réalisé des jeux ahurissants aux deux extrémités de la patinoire.

« Je suis reconnaissant d’y être admis, a lancé Datsyuk en parlant du Temple de la renommée. C’est difficile à croire. Je me sens évidemment très chanceux. »

Mais dans les faits, ce sont les Red Wings qui ont été chanceux.

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Andersson a vu Datsyuk jouer une deuxième fois au cours de la saison 1997-98. Il souhaitait le voir une troisième fois, mais son vol qui décollait de Moscou a été retardé de plusieurs heures avant d’être finalement annulé en raison d’une tempête de neige.

En fin de compte, ce fut une très bonne chose.

Andersson a admis que la machine qui sert à dégivrer l’avion l’avait rendu nerveux, alors qu’un « immense cercle de feu » faisait trembler l’avion et s’approchait un peu trop près des ailes remplies d’essence de l’appareil. Une métaphore parfaite. Un dépisteur des Flames de Calgary se trouvait sur le même vol.

« Il se rendait au même match que moi, a expliqué Andersson. Au moins, il ne l’a pas vu jouer. »

Qui sait? Peut-être que le secret aurait été éventé.

« Il semble qu’aucun des dépisteurs russes… », a commencé Andersson, avant de laisser sa phrase en suspens. « J’imagine qu’ils doivent l’avoir vu au cours de la saison, mais pour une raison ou pour une autre, ils n’ont pas… Ce n’est pas parce que vous aimez un joueur que vous allez le repêcher. Toutes les équipes ont des patrons. »

Le patron d’Andersson a fait confiance à son jugement.

« Celui qui est pleinement et totalement responsable de cette sélection, c’est Hakan Andersson », a affirmé Ken Holland, qui a été directeur général des Red Wings entre 1997 et 2019. « Hakan était pâmé devant ses aptitudes avec la rondelle. »

Datsyuk a dit un jour que lorsque les Red Wings l’ont sélectionné, il l’a appris d’un ami, et sa réponse a été « bonne blague ». Il avait besoin d’une preuve. Cet ami lui a montré le journal le lendemain.

« OK, a répondu Datsyuk. C’est bien. Ça ne change rien, mais c’est bien. »

Datsyuk est demeuré en Russie pendant trois autres saisons, gagnant du galon et attirant de plus en plus l’attention des autres équipes de la LNH. Un DG a approché les Red Wings avec quelques propositions de transactions, et ajoutait toujours Datsyuk dans ses demandes. Holland a vite compris qu’il était sa cible principale et n’a pas mordu à l’hameçon.

Holland et Jim Nill – qui était alors l’adjoint au DG des Red Wings, et qui est aujourd’hui le directeur général des Stars de Dallas – sont allés voir Datsyuk jouer pour la Russie dans un tournoi à Stockholm en 2000-01. À l’époque, Datsyuk est âgé de 22 ans, mesure 5 pieds 10 pouces et pèse 167 livres. Il joue alors de manière conservatrice dans le style pratiqué par la Russie sur les glaces de dimensions internationales, et il ne ressort pas du lot.

Les Red Wings n’étaient pas persuadés qu’ils devaient faire venir Datsyuk en Amérique du Nord en vue de la saison 2001-02. Ils étaient d’accord pour le renvoyer en Russie plutôt que de le céder à Grand Rapids dans la Ligue américaine de hockey s’il ne perçait pas la formation des Red Wings. Les enjeux étaient grands. L’équipe devait remporter la Coupe Stanley avec comme entraîneur le membre du Temple de la renommée Scotty Bowman, et une formation qui était composée de neuf futurs membres du Temple.

Personne ne se doutait que Datsyuk allait devenir le 10e.

Plusieurs personnes ont eu la même première impression. Un joueur de 5 pieds 11 pouces et 181 livres qui patinait de manière un peu étrange avec le dos voûté, les jambes arquées et les pieds pointant vers l’intérieur, en plus d’avoir une démarche singulière lorsqu’il marchait. Il ne parlait pas anglais et semblait timide. Il a toutefois impressionné sur la glace, les petites dimensions des patinoires de la LNH lui permettant de mieux utiliser ses forces, ses mains rapides et son intelligence. Son humilité et son sens de l’humour ont traversé la barrière de la langue.

« Nous avions connu du succès avec les joueurs russes », a rappelé Bowman, qui avait assemblé les « Russian Five » et avait remporté la Coupe Stanley 1997 et 1998. « Je crois que c’est Igor Larionov qui l’a pris sous son aile. Il s’est assuré que Pavel se trouvait sur la bonne voie en tout temps. Je lui accorde beaucoup de mérite. Nous misions sur trois centres russes, parce que nous avions Sergei Fedorov, Igor et Pavel dans la formation. Nous ne les avons pas fait jouer ensemble, parce que nous avions beaucoup d’ailiers. »

Des ailiers comme Brett Hull, qui a qualifié Datsyuk de « joueur le plus électrisant que j’ai vu de ma vie ». Datsyuk et l’attaquant de 23 ans Boyd Devereaux ont formé un trio avec Hull, qui était alors âgé de 37 ans, et cette unité était surnommée « Deux jeunes et une légende ». (Henrik Zetterberg allait rejoindre Datsyuk et Hull sur ce trio la saison suivante en tant que recrue de 22 ans.)

« Ses pairs savaient qu’il pouvait réaliser des choses que la plupart d’entre eux étaient incapables de faire », a souligné Holland.

Steve Yzerman – qui était alors le capitaine des Red Wings, et qui est maintenant DG de l’équipe– a déclaré en janvier 2002 : « Il réalise quelque chose de spécial à chacune de ses présences. […] Nous le regardons aller tous les joueurs à l’entraînement, alors il ne nous surprend plus vraiment aujourd’hui, parce que nous avons compris quel genre d’aptitudes il possède. »

Un jour, les Red Wings ont joué un tour à la recrue pendant un entraînement à Edmonton. Ils ont caché les bâtons de Datsyuk, et comme il ne parvenait pas à les trouver, il a demandé l’aide de Larionov. Larionov l’a conduit au préposé à l’équipement Paul Boyer, qui lui a dit de regarder dans l’immense sac qui sert à transporter les bâtons. Datsyuk a commencé à ouvrir la fermeture éclair quand…

Steve Duchesne a jailli du sac.

« Pavel est presque tombé à la renverse », a relaté Dave Lewis, qui était alors entraîneur associé des Red Wings avant de devenir entraîneur-chef entre 2002 et 2004. « Les gars riaient tellement. »

Au bout du compte, c’est Datsyuk qui s’est moqué du reste de la LNH.

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Datsyuk a fait bien mal paraître plusieurs joueurs de la LNH, et pas seulement des joueurs de soutien. Effectuez une recherche avec son nom, et profitez des faits saillants.

« J’espère que YouTube fonctionne toujours, a-t-il dit. Comme ça personne ne va m’oublier. »

Datsyuk pouvait tricoter dans la circulation dense et déculotter un adversaire dans le coin de la patinoire à un point tel qu’il en perdait l’équilibre. Il pouvait tourner les lames de ses patins dans une direction et le haut de son corps de l’autre pour tromper les gardiens. L’une de ses feintes les plus célèbres a été réalisée le 12 novembre 2003, alors qu’il s’est amené devant Marty Turco en échappée et qu’il a inscrit son deuxième du match dans un gain de 6-2 sur les Stars de Dallas.

Pavel Datsyuk sert une feinte magistrale à Marty Turco

« Avec la réaction des joueurs sur le banc, on disait que ça me rappelait la première fois que nous regardions le “Russian Five” jouer ensemble, a soumis Lewis. Ils étaient bouche bée, ils se demandaient s’ils avaient bien vu. Et ces gars-là ont vu bien des choses et il en faut beaucoup pour les impressionner. »

Le descripteur des Red Wings à la télévision Ken Daniels a inventé un nouveau terme : « une feinte Datsyukienne ».

Datsyuk a inscrit 30 buts ou plus à trois reprises (2003-04, 2007-08 et 2008-09) et a connu deux saisons de suite de 97 points (2007-08 et 2008-09). Avec 918 points (314 buts, 604 passes) en 953 parties, il occupe le 11e rang parmi les joueurs repêchés à partir de la sixième ronde du repêchage de la LNH. Il aurait toutefois pu ajouter bien des points à sa récolte.

« J’ai toujours dit que “Pav” allait récolter 90 points par année, mais qu’il était en fait un joueur de 120 points qui ne trichait jamais, jamais afin de générer de l’offensive, a analysé Holland. Il a toujours été le meilleur attaquant, et le plus consciencieux, de notre équipe.

« Il restait toujours haut en zone adverse. Il ne prenait jamais de risque. Il ne commettait pas de revirement. Il ne jouait que 18 minutes, il ne voulait pas en jouer 21. Il ne voulait pas étirer ses présences. Il amassait peut-être 90 points, mais il valait bien 30 points du côté défensif. »

Datsyuk était étonnamment fort et redoutable avec son bâton. Il se faufilait derrière un adversaire, lui soulevait le bâton et lui volait la rondelle avant même que ce joueur comprenne ce qui se passait.

La LNH a commencé à comptabiliser les revirements en 2005-06. Jusqu’à 2015-16, sa dernière saison dans la ligue, Datsyuk en avait provoqué 926, 190 de plus que tout autre joueur.

Entre 2006 et 2013, il a mené la LNH pour les revirements provoqués à quatre occasions (2006-07, 2007-08, 2009-10 et 2012-13), en plus de terminer une fois au deuxième rang (2008-09) et une fois au troisième échelon (2011-12). Au cours de cette période, il a provoqué 696 revirements, 208 de plus que son plus proche poursuivant, tout en amassant 526 points (174 buts, 352 passes), ce qui lui a valu le neuvième rang de la ligue, tout en passant en moyenne seulement 17,6 minutes par année au banc des punitions.

« Pav est le meilleur attaquant dans les deux sens de la patinoire au monde, à mon avis », a avancé Holland.

Combien de joueurs est-ce que les gens sont prêts à payer pour voir jouer en attaque ET en défense? Si seulement les partisans avaient pu voir comment Datsyuk perfectionnait ses aptitudes à l’entraînement en s’amusant avec ses coéquipiers alors qu’il les mettait au défi de lui enlever la rondelle. Il disait à la blague qu’en Russie quand il était jeune, il n’y avait qu’une rondelle, alors il avait appris à se battre pour la garder.

« Vous pouvez être un joueur dominant de la LNH de bien des manières, a conclu Andersson, mais il a peut-être été l’un des joueurs les plus divertissants que nous avons eu la chance de voir à l’œuvre. »