Tom Barrasso

La cérémonie d’intronisation au Temple de la renommée du hockey aura lieu le 13 novembre. La cuvée 2023 inclut Henrik Lundqvist, Tom Barrasso, Pierre Turgeon, Mike Vernon, Caroline Ouellette. Ken Hitchcock et Pierre Lacroix. La journaliste de NHL.com Amalie Benjamin nous dresse aujourd'hui le portrait de Barrasso.

Mike Richter ne pouvait pas y croire. Son entraîneur à l’école Northwood, où il jouait dans un programme préparatoire, avait précédemment dirigé Tom Barrasso à l’école secondaire Acton-Boxboro. Ce gardien était déjà une légende, ayant fait le saut directement de l’école secondaire à la LNH, et arrivant dans la Ligue en remportant le trophée Calder à titre de recrue de l’année et le trophée Vézina à titre de meilleur gardien en 1983-84. Il avait également terminé au neuvième rang du scrutin pour l’obtention du trophée Hart, remis au joueur le plus utile à son équipe.

Et maintenant Richter pouvait s’asseoir pour partager un repas avec Barrasso, à sa deuxième saison dans la LNH, et Tom Fleming, l’entraîneur et le lien qui les unissait. Barrasso semblait incroyablement vieux et mondain, même si seulement un an séparait les deux gardiens.

« Il était tellement mature et expérimenté », a raconté Richter, qui allait entreprendre une carrière de 14 saisons dans la LNH, marquée par une conquête de la Coupe Stanley. « Quand tu es aussi jeune, tout ce que tu veux est de savoir : “Comment fais-tu tout ça? Qu’est-ce que je dois faire? Qu’est-ce qui a changé? Quels sont les obstacles?” Et il me répondait des choses comme : “Quand certains gars arrivent dans ta zone, tu sais où ils vont tirer”.

« Je me disais, “Ah oui?”. »

Cette capacité à lire le jeu et cette confiance pure ont aidé Barrasso à connaître la carrière qu’il a connue, laquelle lui a permis d’être intronisé au Temple de la renommée du hockey. 

Barrasso a conclu sa carrière de 19 saisons dans la LNH avec 777 matchs joués entre 1983 et 2003 et une fiche de 369-227-18 (plus 86 verdicts nuls). Il a maintenu un pourcentage d’arrêts ,892 et une moyenne de buts alloués de 3,24 dans des séjours chez les Penguins de Pittsburgh, avec qui il a remporté la Coupe Stanley à deux reprises, les Sabres de Buffalo, les Sénateurs d’Ottawa, les Hurricanes de la Caroline, les Maple Leafs de Toronto et les Blues de St. Louis. 

Il a atteint de très hauts sommets, comme une saison recrue qui ne pourra probablement jamais être reproduite et des conquêtes de la Coupe Stanley, mais aussi des bas très bas, comme la bataille contre le cancer que sa fille Ashley a dû livrer, en plus de la mort de son père qui lui a fait rater l’entièreté de la saison 2000-01. 

Mais tout a commencé par cette brillante première saison, qui l’a propulsé sous les projecteurs de la LNH à la vitesse de l’éclair. 

Scotty Bowman avait vu jouer Barrasso, un rare gardien attrapant de la main droite, à Acton-Boxboro, et il l’a ciblé au cinquième rang du repêchage 1983. À partir de là, Barrasso s’est joint à de futurs Olympiens à Colorado Springs, en août, pour un camp olympique. Il ne se sentait donc pas exactement comme un écolier par le temps qu’il arrive à Buffalo, même si c’est de cette façon que tout le monde le percevait. 

Mais en ce qui a trait à la confiance, Barrasso ne s’est jamais senti en pleine possession de ses moyens au cours de cette première saison, même s’il a conservé un dossier de 26-12-3 avec une moyenne de 2,85 et un taux d’efficacité de ,893 en 42 matchs. 

« J’étais la recrue de l’année et lors du gel des transactions, j’étais quand même nerveux d’être envoyé dans la Ligue américaine », a raconté Barrasso en provenance de l’Italie, où il dirige le club d’Asiago dans l’ICE Hockey League. « Je n’ai jamais été à l’aise avec ça en tant que jeune Américain.

« Chaque jour, j’étais content de me rendre à l’aréna. Chaque journée était la plus plaisante que j’avais eue jusque-là. Et chaque jour, j’avais l’occasion de m’améliorer en jouant contre ces gars-là. J’essayais d’en tirer profit. »

Phil Housley, qui était lui-même passé de l’école secondaire à la LNH la saison précédente, était aux premières loges. Les deux vivaient dans le même quartier et se rendaient ensemble à l’aréna chaque jour, restant sur la glace pendant de longs moments après la fin des entraînements. 

« Je décochais des tirs frappés du cœur de l’enclave et il était sur les genoux, a raconté Housley, aujourd’hui entraîneur adjoint des Rangers de New York. Nous jouions à un petit jeu. Nous avons joué à ça pendant un bout, et je ne peux pas croire qu’il me laissait prendre des tirs frappés de cette distance. Il travaillait sur son jeu et je travaillais sur le mien, tout fonctionnait à la perfection. »

Housley a immédiatement remarqué les atouts qui mèneraient Barrasso vers la gloire, surtout son habileté à contrôler la rondelle en dehors de son filet – qui allait le mener au record de tous les temps pour le plus de points inscrits par un gardien (48), un de plus que Martin Brodeur et Grant Fuhr. Comme Richter l’a souligné : « Il contrôlait la rondelle mieux que la grande majorité des joueurs dans la Ligue au moment où il est arrivé. […] Il avait un rare talent pour garder la rondelle en dehors de son filet et pour être capable de transformer ça en attaque. »

« Il était comme un autre défenseur », a ajouté Bowman. 

Mais il n’était pas seulement question de son habileté à contrôler la rondelle. Il avait une maturité hors du commun qui lui a permis de s’établir à un jeune âge, un gabarit imposant (6 pieds 3 pouces, 210 livres), une soif de compétitionner, une technique hors pair. Et il avait surtout cette confiance, une confiance qui lui disait qu'il pouvait non seulement réussir, mais qu’il se devait de réussir.

« Physiquement, il pouvait expédier la rondelle presque à l’autre bout de la patinoire sans qu’elle touche la glace, et il effectuait des passes très précises. Il savait quand il devait le faire et quand s’abstenir, mais il possédait la confiance nécessaire pour prendre la bonne décision », a expliqué Richter.

Il a représenté une sorte de révélation.

« Le niveau de hockey dans les écoles secondaires aux États-Unis est bon, particulièrement dans la région de Boston, mais c’était vraiment ahurissant de voir quelqu’un faire un tel saut, peu importe d’où il venait, a mentionné Richter. Il n’a pas seulement fait l’équipe. Il a été spectaculaire.

« Il faut posséder des dons physiques incroyables pour jouer à ce niveau, mais à cet âge, c’est complètement aberrant de voir quelqu’un faire ce qu’il a accompli. Il s’est fait connaître très, très rapidement. »

Ça ne s’est pas arrêté lorsqu’il a pris le chemin de Pittsburgh, là où il a posé ses valises le plus longtemps, alors qu’il a atteint le sommet de la LNH en remportant la Coupe Stanley en 1991 et 1992 en compagnie de grandes vedettes comme son ami proche Mario Lemieux. Sept membres de ces deux éditions – Lemieux, Ron Francis, Bryan Trottier, Joe Mullen, Paul Coffey, Larry Murphy et Mark Recchi – se trouvent déjà au Temple de la renommée, où Barrasso s’apprête à les rejoindre, et Jaromir Jagr y fera son entrée un jour.

« Lorsque [le directeur général] Tony Esposito a conclu la transaction pour aller le chercher, c’était la bonne chose à faire parce qu’il était parfait pour notre équipe », a raconté Eddie Johnston, qui était adjoint au directeur général lorsque les Penguins ont fait l’acquisition de Barrasso le 12 novembre 1988. « Dans les matchs importants, il s’élevait tout simplement au-dessus de la mêlée. Dans tous les matchs importants ou les matchs qui pouvaient mettre un terme à une série, nous savions qu’il allait être excellent. Il possédait ce type d’attitude. »

Il allait être un élément clé dans leurs conquêtes de la Coupe. 

Dès sa première saison avec les Penguins, ils se sont qualifiés pour les séries, et cette jeune équipe a franchi plusieurs étapes importantes. Tout le monde pouvait sentir qu’ils bâtissaient quelque chose de spécial. 

« Puis la saison suivante fut, pour moi sur le plan personnel et pour l’équipe, une catastrophe », a lancé Barrasso. 

Sa fille, Ashely, a reçu un diagnostic de neuroblastome à l’âge de deux ans en juillet 1989. Ses chances de survie étaient d’environ 10 pour cent. Elle a subi une opération, puis, en février 1990, elle a reçu une transplantation de moelle osseuse.

« Je me suis fracturé la main très tôt au cours de la saison et j’ai été absent très longtemps, a déclaré Barrasso. Il était déjà difficile de porter le poids d’une situation où ton enfant de deux ans pourrait ne pas survivre. Ce fut donc une année très, très difficile, sur la glace comme en dehors. »

Avant l’été suivant, l’état de santé de Ashely s’était amélioré. L’espoir est revenu. Et Barrasso a été en mesure de se concentrer à nouveau sur le hockey et sur son rêve qu’il nourrissait depuis son passage à Acton-Boxboro. 

« Nous avons ensuite gagné la Coupe Stanley deux fois de suite, a poursuivi Barrasso. Je suis passé du point le plus bas de ma vie personnelle et professionnelle au point le plus haut des deux côtés. Ma fille semblait avoir des chances de survivre pendant au moins un certain temps, et j’ai eu la chance de réaliser mon rêve d’enfance en faisant partie de ces équipes championnes. »

Barrasso n’était toutefois pas au bout de ses peines sur le plan des épreuves personnelles. Le gardien s’est retiré du hockey pour la saison 2000-01 après la mort de son père en février 2000, 10 mois après avoir reçu un diagnostic de glioblastome, et la récidive du cancer de sa fille en juin de la même année.

« Ce fut un moment très difficile, a révélé Barrasso. Le hockey ne représentait pas particulièrement une priorité à ce moment. »

Il est revenu dans la LNH, disputant deux autres saisons avant de mettre un terme à sa carrière de joueur. Sa dernière saison remonte à deux décennies, ce qui a poussé certaines personnes à se demander s’il allait être intronisé au Temple de la renommée un jour.

Pour Barrasso, l’attente n’a vraiment pas été pénible. Il a indiqué qu’il n’y avait pas vraiment songé avant 2007, lorsque Francis a été intronisé. Francis n’arrêtait pas de lui dire qu’il allait y entrer à son tour, qu’il en était persuadé.

« À ce moment, je me disais simplement que j’avais fait ce que j’avais pu, a philosophé Barrasso. Je n’ai plus d’influence sur ce qui se passe. Si ça se produit, ça se produit, sinon, ça n’arrive pas. Je suis heureux quand je dresse la liste de ce que j’ai accompli au cours de ma carrière, des trophées sur lesquels mon nom figure. Je peux me contenter de ça. »

Cependant, il n’a pas eu à se contenter de ça. 

Francis a eu raison. Barrasso allait bel et bien recevoir cet appel du Temple de la renommée, la dernière étape d’un héritage qui s’est amorcé de manière dramatique.

Aujourd’hui, Barrasso pense rarement à la carrière qui l’a mené à ce point, et à ce qu’il a accompli sur la glace, sauf si ça lui sert dans son rôle d’entraîneur. Mais tout au long du processus qui a suivi l'annonce de son intronisation au Temple de la renommée, il a repensé à ce qu’il a accompli de plus important sur la glace, selon lui.

Et pour lui, c’est ce qu’il a accompli au cours de cette première saison, alors qu’il a pris la ligue d’assaut même s’il devait être trop jeune, trop Américain, trop inexpérimenté pour réaliser ce qu’il a accompli. Une saison où il souhaitait simplement ne pas être renvoyé dans les mineures, et au cours de laquelle il a été grandiose.

« Pour un gardien américain de 18 ans d’une école secondaire, être repêché en première ronde, au cinquième rang au total, puis être nommé recrue de l’année, remporter le trophée Vézina et faire partie de la première équipe d’étoiles, a énuméré Barrasso, je ne pense pas que ça va se produire à nouveau. »