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Après des années d'implication dans le hockey mineur et au niveau junior majeur avec le Phoenix de Sherbrooke, Jocelyn Thibault se sentait prêt pour un défi de taille.

L'ancien gardien de la LNH amorce ces jours-ci un mandat de cinq ans à titre de directeur général de Hockey Québec, et il a des idées plein la tête. L'homme de hockey de 46 ans a bien l'intention d'apporter un changement de culture et de philosophie au hockey mineur québécois.
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« J'ai touché à plein d'éléments à différents niveaux depuis la fin de ma carrière de joueur actif, a-t-il déclaré en entrevue avec LNH.com. Au fil du temps, j'ai développé des idées d'approches et des concepts. Quand j'ai vu l'opportunité, j'ai sauté dessus. C'est un défi qui m'allume et qui m'apporte beaucoup de fierté.
« Il est temps de rassembler les intervenants, les acteurs et les différentes structures pour travailler ensemble. Je veux instaurer un climat de collaboration plus relevé à travers toute la Fédération. Je pense qu'on est rendus là. Il faut mettre nos égos de côté et travailler ensemble. »
Pour y arriver, il ne jettera pas par-dessus bord tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant, mais tout sera analysé pour trouver les meilleures façons de faire.
« Au Canada et au Québec, on fait de bonnes choses, a-t-il affirmé. On va regarder ce qu'on peut faire de mieux et conserver ce qu'on fait de bien. Quand tu veux être le meilleur dans quelque chose, il faut retourner toutes les pierres. Je parle de ton, de culture et de mettre les jeunes au centre de nos décisions. Je crois qu'on peut rassembler tout le monde du hockey en faisant ça. »
Voici cinq questions avec Jocelyn Thibault :
Si tu avais à identifier l'objectif principal du mandat qui s'entame, quel serait-il?
Je dirais que c'est d'amener les gens à changer notre approche et nos attentes envers notre hockey mineur.
Ce n'est pas tout le monde, mais la conception du hockey mineur de certaines personnes, c'est de gagner des matchs et de mettre en application des concepts collectifs en bas âge - de faire les choses qu'ils voient à la télévision en regardant les Canadiens. Mais le développement d'un joueur de hockey, ce n'est pas ça.
C'est un crescendo, c'est un peu comme une chaîne de montage. Il faut suivre une séquence dans le développement et reconnaître qu'à chaque niveau, il y a des éléments techniques et physiques à acquérir. Ça ne veut pas dire qu'on ne veut pas que les jeunes s'amusent et gagnent des matchs. Le plus important devrait être que le jeune s'améliore de semaine en semaine et qu'ils apprennent des choses dans le plaisir.
À ton avis, est-ce que notre vision du hockey mineur est trop influencée par le souhait de voir les jeunes atteindre les plus hauts niveaux?
Je ne pense pas que les gens soient mal intentionnés en faisant ça, mais il faut faire de l'éducation au chapitre du développement. Ce n'est pas l'opinion de Jocelyn Thibault, c'est basé sur l'approche scientifique et l'avis des experts qui ont fait des études sur l'entraînement et le développement. Favoriser la victoire à tout prix au bas de l'échelle - au début du développement d'un jeune - ça n'apporte pas automatiquement du positif.
Mon souhait est de stimuler la réflexion, encore une fois. On peut débattre des approches quant au développement, mais il y a des tendances assez fortes qui se dessinent. Par exemple, on sait que la surspécialisation à un jeune âge, ce n'est pas optimal. Et on ne fera pas un défenseur défensif avec un jeune dès l'âge de huit ans. On doit les placer à toutes les positions et dans toutes les situations.
L'objectif est d'amener les gens et les responsables à avoir ces réflexes. C'est en parlant des bienfaits d'un bon développement qu'on va changer les mentalités. Je ne travaille pas dans la réprimande, j'aime mieux voir les côtés positifs et les en faire la promotion. Il faut amener la réflexion ailleurs. Je ne connais pas la finalité, mais il faut amener les gens à en parler et c'est pour ça que je le fais.
Avec la baisse des inscriptions et l'émergence d'autres sports, est-ce qu'il y a aussi un défi de ramener les jeunes dans les arénas de la province?
Absolument. De façon générale - et je m'inclus là-dedans - on tient notre sport pour acquis depuis un certain temps. Le hockey est tellement ancré en nous que ç'a longtemps été un choix normal pour les parents d'inscrire leur jeune au hockey mineur. C'est encore très fort et le réflexe est encore là, mais il faut avouer que c'est moins automatique qu'avant.
Les parents ont maintenant d'autres options sur la table. Pour une grande partie des familles au Québec, ç'a longtemps été normal de faire trois, quatre ou cinq heures de route par semaine pour le hockey. C'est ce que nos parents faisaient. Plusieurs ne sont plus prêts à faire ça. Il faut se pencher là-dessus.
Est-ce que tu crois que la mauvaise réputation que traîne parfois le hockey mineur peut avoir une influence sur la volonté des parents à inscrire leur jeune et à s'embarquer dans l'aventure?
C'est certain que ça peut être un argument défavorable, et c'est pour ça qu'on en parle. Je pense toutefois qu'il est important de dire qu'il y a beaucoup de belles histoires dans le hockey mineur, et qu'il y a de très bons programmes. Malheureusement, il y a des cas plus difficiles. Je ne veux pointer personne du doigt et me concentrer davantage sur l'éducation.
Si on amène les parents à changer la façon dont ils perçoivent le hockey mineur et qu'on les incite à gérer leurs attentes, ils risquent de l'apprécier plus. C'est, selon moi, la voie à emprunter. Il faut sensibiliser les gens à ce que représente le développement d'un athlète et le valoriser. Tout passe par la communication. Si on arrive en début d'année avec une planification claire sur les notions à acquérir en cours de la saison, tout le monde sait davantage à quoi s'attendre.
Dans le mandat de développement des joueurs de Hockey Québec, est-ce que l'accent est mis sur le développement de joueurs élites qui pourront potentiellement atteindre la LNH ou bien est-ce que c'est réservé davantage aux circuits comme la LHJMQ et la Ligue M18 AAA?
Un ne va pas sans l'autre. Au niveau des fédérations, on a une obligation d'identifier nos meilleurs espoirs à un certain âge et de leur offrir un encadrement enrichi comme les équipes Québec et les programmes sport-études. Il faut aussi donner un service à tout le monde au niveau initiation et récréatif. On ne doit laisser personne de côté et être inclusifs dans tout ça. On doit se servir des bons véhicules pour tous nos membres.
Crédit photo: Hockey Québec