MONTRÉAL – À l’entendre parler, c’est comme si Pascal Vincent avait toujours su que ce moment arriverait. Il ne savait pas quand ni derrière le banc de quelle équipe, mais il était convaincu qu’il dirigerait un jour une équipe de la LNH dans un match au Centre Bell.
Après 30 ans de carrière à rouler sa bosse comme entraîneur-chef dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) et dans la Ligue américaine, puis comme adjoint dans la grande ligue, ce moment est enfin arrivé. Vincent et ses Blue Jackets de Columbus sont de passage dans la métropole pour y affronter les Canadiens de Montréal jeudi.
« Absolument, c’est sûr que j’y pensais », a-t-il lancé en matinée durant un long point de presse avec les médias francophones. « Pour moi, la LNH, ce n’est pas juste mon travail. C’est ma vie. »
Ce ne sera pas la première fois que le pilote québécois traversera la mythique patinoire pour s’installer derrière le banc de l’équipe adverse, mais ce sera la première fois qu’il agira comme chef d’orchestre.
« On est venus ici souvent dans le passé, mais mon rôle a changé, a-t-il rappelé. Ce sera spécial pour moi, mais ce le sera pour toute ma famille. J’ai grandi en regardant les Canadiens à la télévision le samedi soir, en voyant les Guy Lafleur, les Jacques Lemaire ou les Mark Recchi, qui travaille maintenant avec nous.
« Montréal est toujours une place spéciale. Mais quand tu viens d’ici, ce l’est encore plus. »
Vincent a été nommé entraîneur-chef des Blue Jackets quatre jours avant le début du camp d’entraînement, à la suite de la démission de Mike Babcock. Il avait été interviewé pour le poste au cours de l’été, mais la direction lui avait alors préféré l’entraîneur d’expérience.
Professionnel jusqu’au bout des ongles, il avait tout de même choisi de conserver ses fonctions d’entraîneur associé qu’il occupait depuis déjà deux saisons. Une décision qui aura finalement été payante.
« J’ai eu besoin d’une semaine pour gérer mes émotions, je n’étais pas content, a-t-il expliqué. Je pouvais rester ou partir et j’ai choisi d’être all-in avec Mike. On s’est parlé durant tout l’été. […] Quand cette histoire est arrivée, on a été pris par surprise, et j’ai trouvé ça difficile.
« Mais dans le métier qu’on fait, nous devons nous adapter très rapidement. C’était mieux que ça se produise avant le camp. […] Ce n’est pas encore tout à fait mon équipe, mais ça s’en vient. Ça prendra un peu de temps parce que ce qu’on fait maintenant et ce qu’on faisait dans le passé est différent. »
Même si la porte s’est ouverte dans des circonstances pas évidentes du tout, le bagage du pilote de 52 ans l’avait bien préparé à passer à l’action rapidement. Il connaissait déjà bien les éléments qu’il avait sous la main et il a vite su établir la relation avec ses ouailles.
« On était familiers avec Mike, mais Pascal est rentré et au premier jour du camp, c’était son équipe », a commenté l’attaquant Mathieu Olivier. « On a eu une préparation assez normale et on a tout acheté dans sa philosophie, son système et l’identité avec laquelle il veut qu’on joue. À date, ça va super bien. »
L’importance des portes
Vincent avait fait ses devoirs et il avait passé les tests à tous les niveaux. En 30 ans de carrière, il en a passé des heures dans des autobus à parcourir les routes des Maritimes, du Québec et des États-Unis, à regarder des matchs et à analyser la game.
Il n’avait besoin que d’une occasion, d’une porte qui s’ouvre et d’une équipe qui croit en lui. C’est ce qu’il a finalement trouvé à Columbus.
« Ça représente des sacrifices, mais pas nécessairement de ma part, a-t-il précisé. Le matin, je me lève et je pars pour l’aréna. Je suis payé pour ça. C’est incroyable. Mais ce sont des sacrifices pour les gens qui t’aiment et qui t’entourent. Tu dois partir de la maison et t’éloigner. Tous les chemins sont différents. »
Son chemin à lui s’est amorcé lors de la saison 1994-95, quand l’entraîneur Claude Thérien lui a lâché un coup de fil pour lui proposer de devenir son adjoint avec les Lynx de Saint-Jean, dans la LHJMQ. Il venait de faire une croix sur son rêve de jouer dans la LNH et avait décidé de retourner sur les bancs d’école.
Il s’était dit à l’époque que ça valait la peine d’essayer, et qu’une saison ne chamboulerait pas ses plans.
« Ça fait 30 ans de ça, et je n’ai jamais été congédié depuis », a-t-il lâché fièrement.