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Ce qui se passe en ce moment, c'est tout sauf ce qu'ont l'habitude de vivre les entraîneurs de la LNH.

Par exemple, Rick Tocchet. Que ce soit lors de ses 18 saisons dans la LNH comme joueur, ou encore à titre d'entraîneur-chef comme c'est le cas chez les Coyotes de l'Arizona, Tocchet a toujours eu une routine quotidienne. Mais avec la saison de la LNH mise en pause depuis le 12 mars en raison des inquiétudes liées à la COVID-19, il a dû trouver un moyen de s'ajuster.

« Ce que je vous dis, et que Craig Berube [des Blues de St. Louis] et Rod Brind'Amour [des Hurricanes de la Caroline] diraient, c'est que quand on nous enlève notre routine, on devient un peu fous. On est des personnes obsessives », a raconté Tocchet la semaine dernière lors d'une vidéoconférence organisée par la LNH. « Je tente donc de trouver quelque chose à faire tous les jours. Tu planifies des entraînements, tu travailles un peu sur le côté hockey, tu fais des appels, tu regardes la télé. Bref, tu tentes de te trouver une nouvelle routine. »

Les joueurs de hockey sont des créatures qui ne vivent que par leur routine. Les entraîneurs ne sont pas différents, surtout que plusieurs sont d'anciens joueurs.

Habituellement, la routine d'un entraîneur est des plus structurées, surtout lors des jours de match. Des rencontres, un entraînement matinal, une séance vidéo, des décisions à prendre sur la formation et sur le match en tant que tel, puis la conférence de presse d'après-match. Et si l'équipe est sur la route, il faut ajouter les déplacements et les repas.

En considérant le nombre d'heures qu'ils travaillent chaque jour, bonne chance pour remplacer cette routine!

Plusieurs entraîneurs se sont donc trouvé autre chose à faire. Par exemple, Rick Bowness, des Stars de Dallas, a donné aux membres de son personnel quatre ou cinq équipes à analyser « pour nous permettre de trouver des choses qui pourraient nous aider. »

Le pilote des Capitals de Washington Todd Reirden commence toutes ses journées en regardant des séquences vidéo de son équipe, et d'autres, avant de se mettre sur le téléphone. Pour plusieurs entraîneurs, le premier appel, c'est avant tout au thérapeute de l'équipe afin de connaître l'état des joueurs blessés.

« Puis on passe à différentes choses, comme discuter avec notre personnel et entrer en contact avec tous nos joueurs. [Notre entraîneur de conditionnement physique] Mark Nemish a fait un excellent travail pour que tout le monde ait un programme d'entraînement qu'il puisse faire à la maison. On veut aussi parler aux joueurs pour s'assurer que tout soit correct et que les gars se sentent bien », a expliqué Reirden.

Ce qu'il y a de différent par rapport à la saison habituelle, c'est que les entraîneurs discutent avec leurs collègues des autres formations.

Le chef d'orchestre des Canadiens de Montréal, Claude Julien, a expliqué qu'il a échangé quelques idées avec d'autres entraîneurs lors d'appels-conférences. Les participants varient d'une fois à l'autre, et on retrouve parmi ceux-ci Barry Trotz, des Islanders de New York, Jon Cooper, du Lightning de Tampa Bay, Peter DeBoer, des Golden Knights de Vegas, ainsi que les anciens de la LNH Mike Babcock et Ken Hitchcock.

« On discute de choses que nous n'avons habituellement pas le temps de parler, a expliqué Julien. Ça pourrait être de situations qui se passent dans le vestiaire, au sein de l'organisation, des choses qu'on parle habituellement que l'été au repêchage quand on se retrouve ensemble. Sauf que cette fois, nous avons encore plus de temps pour parler parce que nous n'avons pas à revenir à nos habitudes rapidement au sein de notre équipe. Ça nous permet de garder nos sens aiguisés. »

Pour Paul Maurice, c'est avant tout une bonne façon de passer le temps. Il parle avec son personnel d'entraîneurs tous les jours.

« C'est parce qu'on s'ennuie, c'est surtout ça. »

Tout de même, l'entraîneur-chef des Jets a divisé les tâches parmi ses collègues, dont l'analyse des matchs de l'équipe, chose qui se fait habituellement durant la saison morte, mais aussi la reprise de l'entraînement en petits groupes.

« C'est une des idées à laquelle on réfléchit, l'entraînement en petits groupes avant de réunir tout le monde, a expliqué Maurice. À quoi est-ce que ça ressemblerait? Quels exercices sont possibles avec six ou huit joueurs sur la glace en même temps? Il faut voir combien d'attaquants, défenseurs et gardiens on place ensemble pour que ça fonctionne. On pense à toutes ces choses. »

L'entraîneur-chef des Kings de Los Angeles Todd McLellan explique que la plus grande problématique pour les entraîneurs en ce moment, c'est qu'il y a plusieurs possibilités, mais aucune certitude.

« Est-ce que je me mets en mode après-saison, quand on doit monter des vidéos d'analyse et tenir des réunions avec les joueurs? Ou est-ce que je dois planifier un mini camp d'entraînement pour un retour au jeu? Ma planification doit être pour combien de matchs? Il y a plusieurs variables qui sont inconnues. Je vais écrire un plan sur un morceau de papier, et le lendemain, je vais devoir écrire le contraire.

« J'ai regardé plusieurs matchs de la saison pour décortiquer certaines choses et voir si je peux trouver de bons moments individuels des joueurs, mais aussi identifier certaines situations qui pourraient aider l'équipe si on recommence à jouer. Si ce n'est pas le cas, ce sera utile lors du camp d'entraînement à l'automne. »

Les pilotes de la LNH ont aussi décidé d'utiliser leurs temps libres afin de partager leurs connaissances avec leurs confrères à d'autres niveaux. L'Association des entraîneurs de la LNH avait lancé un projet-pilote de mentorat par Internet en février dernier afin de permettre de faire grandir le sport, ce qui a profité à 200 entraîneurs de la NCAA, de la Ligue américaine de hockey, de l'ECHL et de la United States Hockey League.

Ce programme devait être lancé officiellement en octobre, mais en raison de la COVID-19, l'AELNH a décidé de commencer le tout le 20 mars.

Quant à l'entraîneur-chef des Sabres Ralph Krueger, il a tenu une conférence internationale sur Internet, le 25 mars, portant sur les techniques de leadership et sur la meilleure manière pour les joueurs européens de faire le saut dans la LNH.

« Le but et le rêve de tout joueur en Europe, ce n'est pas de jouer toute sa carrière dans son pays, mais plutôt de jouer dans la Ligue nationale de hockey, a souligné Kruger. C'est donc intéressant pour eux d'écouter ce qu'un entraîneur de la LNH a à dire sur le sujet. Les jeunes rêvent à ça, mais il y a un ajustement important à faire. »

L'enseignement, ça se passe aussi à la maison. Plutôt que de diriger les meilleurs joueurs du monde, les entraîneurs ont troqué le tableau blanc pour les manuels de mathématiques de leurs enfants.

« Ma fille la plus âgée a un cours par Skype avec son professeur, de 9 h jusqu'à 14 h, a expliqué Julien. Je suis vraiment impressionné de la voir aller. »

S'il y a eu du positif à travers toute cette crise, c'est que les entraîneurs ont eu la possibilité de passer un peu plus de temps avec leur famille.

La pause a permis à Bowness de se rendre en Arizona pour visiter son fils Ryan, qui est directeur du recrutement professionnel chez les Penguins de Pittsburgh, lui qui attend son premier enfant l'été prochain. Chez les Maurice, les trois enfants sont à la maison, eux qui seraient normalement à l'université.

« C'est une chance que je n'aurai plus jamais. Je n'ai jamais la possibilité de souper avec eux chaque soir, de passer du temps avec eux, de regarder de mauvaises comédies qu'ils croient drôles alors que ce ne l'est pas du tout, a raconté Maurice. Je profite de ces moments au maximum. »

Et lorsque le hockey sera de retour, tous ces entraîneurs seront plus que prêt.

« Ce que nous vivons, ça nous donne la possibilité de travailler ensemble, de nous occuper de chacun en passant du temps ensemble, a rappelé le pilote des Maple Leafs de Toronto Sheldon Keefe. Nous recevons aussi beaucoup d'appels ou de messages de gens qui nous disent à quel point ils s'ennuient du sport et de ce que ça apporte dans leur vie. Ça te fait réaliser à quel point ce que nous faisons est important pour eux. La chose la plus importante, c'est de reconnaître qu'en ce moment, il y a des choses beaucoup plus importantes qui se passent que le sport. Lorsque les experts de la santé et la Ligue décideront qu'on peut recommencer à jouer, on va être très heureux et prêts. »

Avec la collaboration des journalistes de NHL.com Tom Gulitti et Dave Stubbs