Choix de première ronde des Nordiques de Québec au Repêchage 1993 de la LNH, Jocelyn Thibault a disputé 586 matchs au cours de sa carrière de 15 saisons dans la LNH. Il a porté l'uniforme des Nordiques, de l'Avalanche du Colorado, des Canadiens de Montréal, des Blackhawks de Chicago, des Penguins de Pittsburgh et des Sabres de Buffalo, signant 238 victoires. Il a été entraîneur des gardiens de l'Avalanche pendant deux saisons et il est désormais propriétaire du Phoenix de Sherbrooke dans la LHJMQ. Il a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com pour traiter des dossiers chauds devant les 31 filets de la Ligue.
Comme à peu près tout le monde dans l'entourage des Canadiens, la nouvelle qui est tombée jeudi matin m'a pris par surprise. Elle m'a aussi affecté et poussé à une réflexion plus profonde.
Thibault: Une décision lourde de sens
Le fait de voir un « surhomme » comme Carey Price poser un genou au sol doit nous pousser à la réflexion
Carey Price, l'homme stoïque qui occupe avec brio l'un des postes les plus difficiles et les plus surveillés dans la LNH depuis tant d'années, a besoin d'aide pour gérer ce que l'on présume être des problèmes de santé mentale - c'est ce qu'a écrit sa femme Angela sur les réseaux sociaux.
Ce n'est pas parce que c'est Carey Price que c'est plus grave qu'un autre. Loin de là. Mais je ne pensais pas qu'il en serait rendu là à ce stade de sa carrière, surtout après toute l'adversité qu'il est parvenu à traverser au fil des années à Montréal.
C'est tout en son honneur d'avoir le courage d'aller chercher de l'aide, de s'absenter pour reprendre le contrôle et se recentrer sur lui-même. J'ai tellement de respect pour Carey. Il a connu une carrière extraordinaire et il a réussi à maintenir des standards tellement élevés dans un marché extrêmement exigeant.
Pour moi, c'était un surhomme. De le voir mettre un genou au sol aujourd'hui, c'est lourd de sens.
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Le cas de Jonathan Drouin avait envoyé un message fort. Celui de Carey en ajoute une autre couche et nous force à pousser la réflexion plus loin. Je pense qu'on est rendus au point où la santé mentale et le développement psychologique d'un joueur de hockey - ou d'un athlète qui pratique n'importe quel sport - doit désormais autant faire partie de son développement que d'apprendre à patiner ou à tirer.
C'est parfait d'avoir les ressources pour encadrer les joueurs qui ont besoin d'aide, mais que peut-on faire en amont pour mieux outiller les jeunes? Pour travailler davantage en prévention qu'en réaction?
Je n'ai pas la réponse à ça, mais je soulève la question.
Étant moi-même impliqué dans le hockey mineur à différents niveaux depuis des années, je suis assez sensible à cette problématique. Comme gestionnaire dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), j'ai eu à gérer certains cas comme ceux-là. Toutes les organisations y sont confrontées. Ça fait désormais partie de la game et on continue de s'améliorer, mais il y a encore du travail à faire.
Il faut donner à nos jeunes les outils pour mieux vivre avec la pression, avec les attentes des médias, mais aussi des agents, des équipes, de la famille, des amateurs par le biais des réseaux sociaux, etc. La liste pourrait s'allonger encore longtemps. Je ne dis pas qu'il faut les protéger de toute adversité, bien au contraire. Il faut cependant se demander comment on peut les préparer à ça le mieux possible.
On ne pourra jamais enlever le fait qu'un athlète de haut niveau se doit de performer et que ça vient avec son lot de défis. C'est généralisé dans tous les sports - pensez à la gymnaste Simone Biles et à la joueuse de tennis Naomi Osaka. Ce n'est pas propre au hockey, et encore moins au marché de Montréal.
C'est pour cette raison que je crois que le changement qui est en train de s'opérer et l'ouverture des athlètes à parler de plus en plus de santé mentale nous forcent à une prise de conscience collective. Comment peut-on empêcher que ça se produise? Il faut procéder à une introspection et cesser de penser que les athlètes de haut niveau sont infaillibles et imperméables aux critiques - ou aux commentaires haineux.
C'est impossible d'éradiquer la problématique. Il faut donc trouver un moyen d'aider nos jeunes athlètes et d'intégrer ça dans les différents plans de développement. Il faut passer à l'action dans la prévention.
Des pas de géant
La bonne nouvelle, c'est que les mentalités évoluent. Les exemples de Drouin et de Price en sont la preuve. C'est positif de voir un homme de hockey comme Marc Bergevin parler ouvertement de la nécessité d'aller chercher de l'aide, et de voir la manière dont les joueurs sont soutenus par leurs pairs et par l'organisation.
Chaque époque a ses particularités. À mes années dans la LNH, il y a 15 ou 20 ans, ça ne se faisait tout simplement pas. Les joueurs n'étaient pas rendus là. L'acceptabilité sociale était encore moins là. Les tabous ne sont pas encore tous tombés, mais nous sommes plus près du but comme société.
J'ai personnellement connu des périodes difficiles, et je connais beaucoup de joueurs qui en ont vécu aussi, et on passait à travers sans rien dire parce que c'était comme ça. Tout simplement. Il fallait se faire une carapace et continuer d'avancer malgré tout. Une chance qu'il n'y avait pas les réseaux sociaux à l'époque!
Aujourd'hui, ça vient ajouter un poids supplémentaire sur les épaules des jeunes joueurs. Je suis très interpellé par la dynamique des réseaux sociaux et leur impact dans le train-train quotidien des joueurs. Ç'a du positif, certes, mais il y a des effets pervers pour les athlètes. J'aurais probablement eu beaucoup de difficultés à naviguer à travers tout ça à cet âge.
Ça peut devenir très lourd pour les joueurs, et ça fait partie de la prise de conscience qu'on doit faire pour tenter d'assainir un peu tout ça.
\ Propos recueillis par Guillaume Lepage, journaliste LNH.com*