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Martin Brodeur était à cinq ans et à plus de 30 blanchissages d'écrire l'histoire dans la LNH, mais son père savait que ça se produirait.

Aujourd'hui, grâce à un cadre accroché dans sa maison et au livre des records de la LNH, le vice-président exécutif des opérations hockey des Devils du New Jersey a encore une pensée pour Terry Sawchuk, ce légendaire gardien décédé il y a 50 ans, le 31 mai 1970.
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Denis Brodeur, le père de Martin, avait aperçu cette photo encadrée de Sawchuk avec les Red Wings de Detroit dans une boutique d'antiquités à Montréal en 2004. Inspiré, il l'a achetée et a attendu le bon moment pour faire une surprise à son fils.
Le 7 décembre 2009, Brodeur a rejoint Sawchuk au sommet de la liste de la LNH avec un 103e blanchissage en saison régulière lors d'une victoire de 3-0 contre les Sabres de Buffalo. Le 21 décembre, le Québécois s'est emparé seul de la tête avec un 104e jeu blanc lorsqu'il a réalisé 35 arrêts dans un gain de 4-0 face aux Penguins de Pittsburgh.
C'était presque parfait; le 103e et dernier blanchissage de Sawchuk avait été réalisé contre les Penguins le 1er février 1970, alors qu'il gardait les buts pour les Rangers de New York dans une victoire de 6-0 au Madison Square Garden.
Brodeur a pris sa retraite en 2015 avec 125 jeux blancs en poche, un record qui devrait tenir pour un long moment. Parmi les gardiens actifs, le plus proche poursuivant est Henrik Lundqvist des Rangers, qui est 16e avec 64. C'est trois de plus que Marc-André Fleury des Golden Knights de Vegas, qui se classe au 18e échelon.
« Terry Sawchuk est une icône pour notre profession, a indiqué Brodeur depuis sa résidence de St. Louis, vendredi. Pour moi, avoir mon nom associé au sien à l'époque était quelque chose d'assez irréaliste. Peu de gens pensaient que son record de blanchissages allait être égalé, et quand je me suis rapproché de Terry et que j'ai été en mesure de le devancer, c'était tout un exploit pour moi. »
Denis Brodeur, qui est décédé en 2013, avait eu cette vision que son fils allait rejoindre Sawchuk un jour. Gardien amateur qui a porté les couleurs du Canada aux Jeux olympiques de Cortina d'Ampezzo en 1956 et photographe sportif reconnu pendant des décennies, il avait comme plan de recadrer la photo de Sawchuk pour en inclure une de Martin, une fois qu'il aurait atteint les 104 blanchissages. On y retrouverait alors les deux gardiens côte à côte sur des plaques gravées. Martin Brodeur a seulement été mis au courant de tout ça lorsqu'il a signé son 103e jeu blanc.
Le fameux cadre se retrouve aujourd'hui dans la maison de Brodeur, non loin d'une réplique du masque de Sawchuk et des rondelles de ses 103e et 104e blanchissages.

Sawchuk 1955

« Mon père venait évidemment plus de l'ère de Terry que moi », a dit Brodeur, qui est né environ deux ans après la mort de Sawchuk. « Il en savait plus sur les gardiens légendaires que moi qui ne les connaissais que comme des icônes. On dirait que chaque fois que j'atteignais un plateau, mon père, photographe, faisait quelque chose de spécial comme cela pour moi. »
En atteignant le numéro 103, Brodeur a reçu un courriel de félicitations de Gerry Sawchuk, le frère du défunt gardien de but. On pouvait y lire, entre autres : « Terry disait que les records étaient faits pour être battus. Tu le mérites amplement. Reste fidèle à tes croyances et envers toi-même. »
Lors d'une entrevue une semaine avant que Brodeur arrive à 104, Gerry Sawchuk avait dit : « Marty a atteint l'apogée du succès et il est sur le point d'aller encore plus loin. Je pense que Terry l'aurait grandement apprécié. »

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À chaque blanchissage, Brodeur se rapprochait d'un fantôme. Sawchuk avait succombé à des blessures internes à l'âge de 40 ans, un mois après une bagarre avec son coéquipier des Rangers Ron Stewart. Il a connu une carrière qui le place dans chaque discussion concernant les meilleurs gardiens de l'histoire du hockey.
Sawchuk a été membre de quatre équipes championnes de la Coupe Stanley. Il l'a gagnée avec les Red Wings en 1952, 1954 et 1955 et avec les Maple Leafs de Toronto en 1967. Il a mis la main sur le trophée Vézina à quatre reprises, sur le trophée Calder, remis à la meilleure recrue, en 1950-51, et a participé 11 fois au Match des étoiles de la LNH pendant une carrière de 21 saisons qui se sont étalées de 1949 à 1970. Il a également joué pour les Bruins de Boston et les Kings de Los Angeles. Il s'est retiré avec 445 victoires, un record qui a perduré pendant trois décennies jusqu'à ce que Patrick Roy le devance le 14 octobre 2000. Sawchuk se classe aujourd'hui au huitième rang tandis que Brodeur est le meneur avec 691 victoires.
Le natif de Winnipeg était un gardien au gabarit imposant pour l'époque - 195 livres et 5 pieds 11 pouces. Accroupi, il explosait ensuite en scrutant la rondelle des yeux dans une circulation dense devant lui et il comptait beaucoup plus sur ses réflexes que sur son positionnement pour effectuer le premier arrêt.

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Sawchuk a été intronisé au Temple de la renommée du hockey un an après sa mort. Brodeur l'a rejoint au Temple en 2018. Sa carrière et sa vie souvent turbulente ont été revues plusieurs fois, notamment dans le film sportif « Goalie » en 2019 et dans au moins trois livres biographiques.
Il s'est fait battre physiquement et émotionnellement durant toute sa carrière. Sawchuk était souvent écorché par les médias, et même par ses propres entraîneurs. Marqué par des lacérations de patins, des bâtons et des rondelles déviées, il s'est battu contre des démons réels et irréels et souffrait constamment, lui qui a disputé presque toute sa carrière avec de l'équipement minable - et sans masque.
Les huit derniers matchs de sa carrière de 971 rencontres ont été joués avec les Rangers, alors qu'il secondait Ed Giacomin. Le dernier blanchissage de Sawchuk lui a valu un bec sur le front de la part du défenseur Brad Park.
Près de quatre décennies plus tard, alors qu'il s'approchait du record de Sawchuk, Brodeur a cherché à en savoir plus sur celui qu'il pourchassait.
« Pour moi, ça en signifie beaucoup de détenir le record avec Terry, avait-il dit lorsqu'il avait signé le numéro 103. Je suis simplement heureux d'être ici. J'ai toujours joué au hockey pour gagner, pas pour les blanchissages. »

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En fait, Brodeur a toujours paru un peu mal à l'aise d'entendre son nom dans les mêmes discussions que les légendes qu'il devançait.
« C'était surréel d'être considéré parmi tous ces gardiens qui avaient entre autres joué sans masque, a-t-il dit. La longueur de leur carrière est incroyable. Quand je m'approchais d'un record, je savais que je pouvais accomplir quelque chose de spécial. »
À l'occasion du 50e anniversaire de la mort de Sawchuk, dimanche, Brodeur regardera les souvenirs dans sa maison et se souviendra du pionnier des gardiens de but, de l'ancien roi des blanchissages avec qui son nom sera à jamais lié.
« Je pense que Terry a apprécié ce qu'il a accompli, et il comprenait que le sport qu'il pratiquait allait dans une certaine direction, a dit Brodeur. Je vais ressentir la même chose si qui que ce soit s'approche de mes exploits. C'est un sport dans lequel nous essayons de repousser les limites. Terry les a repoussées pour nous, et je les ai repoussées pour les gardiens qui me succèdent. »
Crédits photos : Martin Brodeur; HHoF Images; Getty Images