Chaque mercredi pendant la saison 2018-19, LNH.com s'entretient avec un intervenant du monde du hockey pour discuter de leur opinion sur l'état de ce sport, de leur vie et de leur carrière, en plus de revenir sur l'actualité.
Cette semaine, cinq questions avec Georges Laraque
Cinq questions avec... Georges Laraque
Le hockeyeur revient sur son ascension vers la LNH, le racisme dont il a été victime et comment il a fait pour s'en inspirer
Lorsque Georges Laraque a enfilé des patins pour la première fois, le nombre de joueurs noirs ayant évolué dans la LNH se comptait sur les doigts de deux mains. Aucun n'avait joué plus de six ans dans le circuit. Si la porte était ouverte pour les joueurs issus de minorités, peu avaient eu la chance d'en profiter et d'imiter Willie O'Ree, le premier Noir à avoir évolué dans la LNH, en 1957 avec les Bruins de Boston.
Puis, il y a eu Grant Fuhr, qui a amorcé sa carrière en 1981 avec les Oilers d'Edmonton, en route vers le Temple de la renommée. Une dizaine de joueurs ont suivi durant la décennie, chiffre qui a plus que doublé durant les années 1990. Laraque faisait partie de ce contingent.
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Né à Montréal en 1976 de parents haïtiens qui avaient immigré au Canada un an plus tôt, «Big Georges» a fait comme tous les autres Québécois dans sa jeunesse : il a saisi un bâton de hockey et ne l'a plus lâché. Il a grimpé les rangs mineurs - en compagnie de son frère Jules-Edy et de son cousin Jean-Luc Grand-Pierre - pour atteindre La Ligue de hockey junior majeur du Québec avec les Lynx de Saint-Jean en 1993.
Un parcours qui lui aura permis de remporter la Coupe Memorial avec les Prédateurs de Granby, d'être sélectionné en deuxième ronde du repêchage de la LNH de 1995 par les Oilers d'Edmonton et de finalement disputer 695 matchs avec les Oilers, les Coyotes de Phoenix, les Penguins de Pittsburgh et les Canadiens de Montréal.
Une ascension qui ne s'est pas faite facilement, particulièrement pour un joueur reconnu pour son jeu physique et pour jeter les gants. Laraque a dû affronter les commentaires racistes à de nombreuses reprises, mais plutôt que de se laisser abattre, il a été en mesure de s'en inspirer.
Dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs, LNH.com vous offre cet entretien en cinq questions avec Georges Laraque.
À tes débuts dans le monde du hockey, à l'adolescence et dans les rangs juniors, tu étais un des rares Noirs sur les patinoires du Québec, voire du Canada. En étant seul, était-ce difficile de persévérer malgré une certaine barrière liée à la couleur de ta peau et des commentaires racistes émis pas des spectateurs?
« Ce n'était pas important pour moi s'il n'y avait pas beaucoup de Noirs. Je voulais vraiment jouer dans la Ligue nationale. C'était mon rêve et j'ai fait tout ce que je pouvais pour le réaliser. Les choses négatives, je m'en servais comme motivation, pour me défoncer et pour leur prouver qu'ils allaient avoir tort. »
« Quand j'étais jeune, il n'y avait pas beaucoup de Noirs et je le savais. Si je réussissais (à atteindre la LNH), je savais que j'allais être un des gars qui allait ouvrir la voie pour les autres minorités. Ils allaient pouvoir rêver à la Ligue nationale. Pour moi, c'était ma mission même si je savais que nous n'étions pas beaucoup. »
Avais-tu des idoles issues des minorités chez les joueurs de la LNH lorsque tu étais un enfant?
« Non, parce qu'il n'y en avait tout simplement pas. Quand j'étais jeune, il y avait une collection de biographies imagées qui montraient différentes personnes de la société qui avaient fait de grandes choses. Il y en avait une de Jackie Robinson (Un bon exemple de courage - Jackie Robinson raconté aux enfants) et j'ai constaté toutes les épreuves qu'il avait dû affronter afin de se rendre dans le baseball majeur. »
« Je me suis dit que j'allais faire la même chose que lui. J'allais utiliser le négatif comme motivation, et quand j'allais être rendu dans la LNH, j'allais écrire ma biographique, comme lui. C'est ce que j'ai fait et c'est devenu un best-seller, comme celle de Jackie. J'ai vraiment suivi ses traces. »
Le hasard a voulu qu'au fil de ta carrière, tu te retrouves dans des équipes où quelques-uns de tes coéquipiers étaient noirs. C'était le cas dans les rangs juniors avec les Prédateurs de Granby, où tu avais Francis Bouillon et Jason Doig à tes côtés. Puis, une fois dans la LNH, tu t'es retrouvé avec les Oilers d'Edmonton, où à un certain moment, quatre autres de tes collègues (Mike Grier, Anson Carter, Sean Brown, Joaquin Gage) étaient noirs. Est-ce qu'être entouré de joueurs qui partageaient ta réalité t'as permis d'être plus confiant?
« C'était drôle parce qu'à Edmonton, on était cinq et on allait dans des endroits et les gens nous demandaient si on faisait partie d'une équipe de football! »
Un tour du chapeau pour Laraque
« Il faut comprendre que depuis que je suis jeune et que je joue au hockey mineur, je suis le seul Noir. Je n'avais donc pas besoin d'arriver dans une équipe pour me sentir mieux parce que nous étions cinq. C'était plus drôle qu'autre chose, mais pour moi, ça ne changeait absolument rien. Pour moi, Noirs, Russes, peu importe qui était là, on voulait tous gagner. »
Tôt dans ta carrière, tu rapidement décidé de t'impliquer auprès des diverses communautés afin de faire découvrir le hockey. Quelles initiatives as-tu prises afin de livrer ton message pendant et après tes années dans la LNH?
« Pendant ma carrière, je travaillais avec le NHL Diversity task force (Le Hockey pour tout le monde). C'est vraiment une force de la LNH. J'ai beaucoup travaillé avec Willie O'Ree. Nous sommes allés dans des endroits comme Harlem (New York) afin d'intéresser les minorités au hockey et montrer que c'est pour tout le monde. On se déplaçait pour leur donner de l'équipement de hockey. C'était pour rendre le hockey plus populaire aux États-Unis auprès des minorités, mais aussi leur donner la chance, avec de l'équipement, de jouer au hockey. La LNH est très forte avec ces programmes. »
« Par la suite, je suis devenu conférencier pour le sport et la motivation. Les minorités ont parfois besoin d'un peu de motivation pour faire face aux préjugés. Je leur parle de mon parcours et je les aide en leur disant quoi faire pour affronter les gens qui les dénigrent. »
Un incident s'est récemment produit dans une Ligue de hockey semi-professionnelle au Québec où le défenseur Jonathan Diaby (choix de troisième ronde des Predators de Nashville en 2013) a été victime de propos racistes durant un match, tout comme sa famille. Que crois-tu que les ligues sportives - peu importe le sport - doivent faire pour enrayer le racisme?
« Comme la LNH fait. C'est tolérance zéro pour les joueurs et ils écopent d'une amende. Dans les estrades, la personne se fait mettre dehors et elle est bannie à vie. Le match est arrêté, on met le gars dehors. »
« J'ai parlé à Jonathan, il l'a dit à l'arbitre, mais il n'a rien fait. L'arbitre aurait dû arrêter le match et expulser la personne de l'aréna. Ça, c'est la responsabilité de l'équipe. Si j'étais commissaire, plutôt que de m'excuser, je mettrais un règlement disant que toutes les équipes sont responsables de la sécurité. Si un événement de la sorte arrive et il ne se passe rien, l'équipe est mise à l'amende. Forcer les équipes à renforcir leur sécurité et s'assurer que chaque geste disgracieux mène à une expulsion et un bannissement, c'est la seule façon de gérer cela. »