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MONTRÉAL - Des patinoires fermées, des entraînements parfois rudimentaires à la maison et une longue période d'inactivité dont la durée exacte demeure toujours une inconnue notoire. À un âge souvent critique pour leur développement, les meilleurs espoirs de la LNH se retrouvent en congé forcé.

Il y a des choses bien pires que ça dans la vie - la pandémie nous l'aura rappelé à de nombreuses reprises - mais doit-on s'inquiéter de l'impact potentiellement néfaste de cette longue pause de cinq, six, ou sept mois sur la progression des vedettes de demain?

Dans les faits, c'est possiblement tout le contraire qui va se produire.

« Je ramène ça à la responsabilité individuelle de chaque joueur, a amorcé Jean-Philippe Glaude, dépisteur des Predators de Nashville. Si un joueur maximise son temps pour travailler sur ses lancers, sur sa rapidité d'exécution et sur sa mobilité, par exemple, le degré d'amélioration va être là quand ça va recommencer.

« La grosse partie du développement d'un joueur entre 16 et 22 ans, c'est qu'il prend de la masse musculaire et qu'il améliore sa force physique. En ce moment, ils travaillent tous sur des petits éléments qui vont faire en sorte qu'ils vont être plus explosifs et plus forts quand ils vont retoucher à la glace. »

Les activités de toutes les ligues juniors et professionnelles sont suspendues depuis la mi-mars, et les scénarios les plus optimistes prévoient un retour à l'action au début du mois d'octobre - c'est en tout cas le plan qui a été annoncé par la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) en début de semaine.

Les arénas des différentes provinces sont fermés depuis ce temps et les jeunes joueurs attendent toujours de savoir s'ils pourront sauter sur la glace pendant leur entraînement estival ou s'ils devront s'en tenir aux désormais très prisés patins à roues alignées.

Dans un sport qui requiert pratiquement d'être sur la patinoire à longueur d'année pour ne pas accumuler de retard sur ses homologues, on peut se demander si le temps passé loin des surfaces glacées sera dommageable pour certains joueurs - même si tout le monde se retrouve dans le même bateau.

« Je crois plutôt que ça va être positif, a lancé d'entrée de jeu l'entraîneur au développement des Predators, Sébastien Bordeleau. Quand on a accès aux glaces, il y a des joueurs qui ont de la difficulté à prendre des pauses. C'est bien d'être sur la glace, mais ce l'est aussi de travailler à devenir un athlète plus complet.

« On parle de l'aspect physique avec l'explosivité et la flexibilité, par exemple, mais il y a aussi l'aspect mental, qui est souvent négligé. Si, comme joueur, tu as des problèmes de confiance ou de gestion des émotions, c'est le bon moment pour investir du temps dans ces choses-là avec des psychologues sportifs. »

Il y aura peut-être un peu de rouille à chasser à la reprise des activités, mais ce ne sera rien de trop grave, croient les intervenants interrogés. Le hockey - surtout quand on parle d'athlètes de haut niveau - ça ne se perd pas… un peu comme le vélo.

« Est-ce qu'il y a vraiment une différence entre trois mois ou sept mois sans jouer, s'est questionné Bordeleau. Si c'était deux ou trois ans, peut-être, mais en termes de mois, il n'y a pas une énorme différence. »

« Sur une carrière de 30 ans de hockey, je ne vois pas l'impact qu'une période de huit ou neuf mois peut avoir », a renchéri Glaude.

Vecteur de changements

Pour l'instant, seuls les joueurs de la LNH ont accès aux complexes d'entraînement des équipes pour se délier les jambes de façon individuelle ou en petits groupes tout en respectant des consignes sanitaires très strictes. Pendant ce temps, dans l'antichambre, les espoirs rongent leur frein.

Reste qu'il y a aussi moyen de voir d'un bon œil la reprise éventuelle de l'entraînement dans un contexte complètement différent et avec des possibilités d'exercices beaucoup plus limitées.

« Ça nous donnerait l'occasion de travailler sur les habiletés individuelles des joueurs et de combler l'écart avec certains pays européens à ce chapitre plus que ce qu'on fait d'habitude, a fait valoir l'agent André Ruel, de Creative Artists Agency (CAA).

« On a d'excellents entraîneurs au développement des aptitudes au Québec, et on pourrait s'en servir encore davantage pour fournir plus d'outils à nos jeunes et faire en sorte qu'ils soient encore meilleurs dans un contexte de jeu collectif. Les améliorations pourraient être incroyables et je crois que ça va peut-être changer des choses à l'avenir. »

Parce que le monde du hockey a aussi été chamboulé par la pandémie et a dû trouver des moyens de se réinventer - une expression qui s'applique désormais à tous les domaines. Ce temps d'arrêt risque de laisser derrière de nouvelles notions qui ne disparaîtront pas quand la Terre recommencera à tourner.

« On a abordé plusieurs aspects très importants dans le développement du joueur de hockey, mais sur lesquels on mettait moins d'accent par le passé, a dit Ruel. On dit que rien n'arrive pour rien. Ça nous a amenés à changer de recette et à trouver des façons encore plus efficaces de développer nos joueurs de manière encore plus équilibrée. »