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C'était le soir du match no 6 de finale de la Coupe Stanley en 2013, et les Bruins de Boston faisaient face à l'élimination contre les Blackhawks de Chicago sans Patrice Bergeron. Le joueur de centre s'était fracturé une côte, et les chances qu'il participe à la rencontre étaient pratiquement nulles.

Car qui pourrait endurer le hockey des séries éliminatoires de la Coupe Stanley avec une côte cassée?

« Mon personnel et moi étions en train de nous préparer à jouer sans lui », a raconté l'ancien entraîneur Claude Julien. « Tout à coup, les médecins sont arrivés et ont dit qu'il voulait tenter de jouer et qu'il était convaincu qu'il pouvait le faire. »

Les Bruins tiraient de l'arrière 3-2 dans la série quatre de sept, et c'est la raison pour laquelle Bergeron voulait sauter sur la glace. Et même si les Bruins n'ont pas gagné et que deux buts en 17 secondes - incluant le filet vainqueur avec 76 secondes à jouer en temps réglementaire - ont mis fin à leur saison et à la série, ce match a cimenté la place de Bergeron dans l'histoire des Bruins et du hockey.

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Car cette côte cassée s'est transformée en poumon perforé, sans compter que Bergeron était aux prises avec une déchirure du cartilage des côtes et une séparation d'une épaule. Son poumon s'est éventuellement affaissé, ce qui a entraîné un séjour de trois jours à l'hôpital.

« La chose que je n'oublierai jamais est en 2013, quand nous avons joué le match no 6 à Boston et qu'il a joué avec une fracture à une côte », a dit Julien, qui a dirigé Bergeron pendant 10 saisons, incluant en 2010-11, quand les Bruins ont gagné la Coupe Stanley. « Ça vous montre l'engagement et le dévouement qu'il avait envers le hockey, son équipe et l'organisation.

« Il a accepté de tout donner à son équipe pendant des années. Et je suis convaincu que tout le monde le reconnait. »

Bergeron, qui a été le visage des Bruins pendant ses 19 saisons dans la LNH, a annoncé sa retraite mardi. Il a été capitaine des Bruins au cours des trois dernières saisons, héritant du rôle de Zdeno Chara, avec qui il a formé un duo de leaders chez les Bruins à partir de l'arrivée de Chara en 2006-07.

« Au cours des 20 dernières années, j'ai pu vivre mon rêve tous les jours », a affirmé Bergeron dans une déclaration. « J'ai eu l'immense honneur de porter l'uniforme des Bruins et de jouer devant les meilleurs partisans au monde à Boston. S'ajoute à cela l'immense fierté d'avoir représenté le Canada dans les plus grandes compétitions internationales. J'ai tout laissé sur la glace tant sur le plan physique qu'émotionnel, et le hockey m'a apporté en retour bien plus que je n'aurais pu l'imaginer.

« C'est avec le cœur gros et énormément de gratitude que j'annonce aujourd'hui ma retraite en tant que joueur de hockey professionnel. »

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Bergeron, en compagnie de Chara, a transformé l'organisation et sa culture. Il a contribué à créer une équipe modèle qui a atteint la finale de la Coupe Stanley trois fois en neuf saisons entre 2011 et 2019. Les deux étaient le symbole du dévouement, et ce moment marquant des séries éliminatoires en 2013 revient sans cesse dans l'esprit de ceux qui étaient dans l'entourage des Bruins cette saison-là. Parce que pour eux, ce moment est la définition même de Bergeron, la raison pour laquelle il est aussi admiré.

« Ça résume la personne qu'il est de beaucoup de façons », a mentionné son ancien coéquipier Adam McQuaid récemment.

Non seulement a-t-il conduit les Bruins à la Coupe Stanley en 2011, battant les Canucks de Vancouver dans une série épique en sept parties, Bergeron a aussi remporté le trophée Selke, remis au meilleur attaquant défensif de la LNH, à six reprises, un record. Il a été finaliste pour l'obtention du trophée pendant 12 années consécutives, un autre record de la LNH.

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Bergeron a joué 1294 matchs, tous avec les Bruins, et cumulé 1040 points (427 buts, 613 passes) entre 2003 et 2023. Il a été repêché en deuxième ronde (45e au total) en 2003 et il s'est taillé un poste chez les Bruins dès l'âge de 18 ans.

En plus du trophée Selke, Bergeron a gagné le trophée King-Clancy en 2013 pour son leadership et ses contributions dans la communauté, le Prix de la fondation des joueurs de la LNH en 2014 et le prix Mark-Messier pour le leadership en 2021.

« Il est probablement le meilleur coéquipier que j'ai eu durant ma carrière de 15 ans, a souligné David Backes. Un gars qui ferait n'importe quoi pour toi. Il prend toujours de tes nouvelles, il te demande comment se porte ta famille. Il veut vraiment apprendre à te connaître comme personne et il se soucie de toi. Et ça en dit long sur les raisons pour lesquelles il a eu autant de succès. »

Du succès, le mot est faible. L'un des centres les plus complets dans l'histoire du hockey, Bergeron personnifiait le jeu défensif tout en excellant offensivement. Il a établi un record personnel avec 79 points (32 buts, 47 aides) en 65 rencontres en 2018-19.

En 170 parties des séries éliminatoires, Bergeron a amassé 128 points (50 buts, 78 mentions d'aide), atteignant la finale de la Coupe Stanley trois fois (2011, 2013, 2019). Il a perdu contre les Blues de St. Louis en sept matchs en 2019.

Bergeron est également l'un des 30 membres de la triple couronne du hockey, puisqu'il a gagné la Coupe Stanley et la médaille d'or au Championnat du monde (2004) et aux Jeux olympiques (2010, 2014) avec le Canada.

Quand Brad Marchand était à ses débuts avec les Bruins, Julien lui a conseillé de copier le joueur de centre et de s'inspirer de son jeu.

« Claude m'a vraiment poussé à être comme "Bergy", s'est remémoré Marchand. Il m'a dit qu'il était le parfait exemple à suivre. »

Les deux auront passé 10 ans comme compagnons de trio, faisant parfois partie de la meilleure unité de la LNH.

« Les meilleurs joueurs au monde, ils ne le sont pas par hasard. Il y a une raison qui explique pourquoi ils sont les meilleurs, a souligné Marchand. Il y a une raison qui explique pourquoi Bergy est devenu le meilleur joueur de l'histoire dans les deux sens de la patinoire. C'est en raison de son niveau d'engagement. Quand tu vois quelqu'un jouer de la sorte, tu te sens responsable toi aussi. Tu ne veux pas être celui qui va le décevoir. »

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Mais cette carrière aurait pu prendre un tout autre tournant, beaucoup plus dramatique.

Bergeron a raté 72 matchs en 2007-08 après avoir été frappé par-derrière par Randy Jones, des Flyers de Philadelphie, le 27 octobre 2007. Il a perdu conscience et subi une commotion cérébrale. Il a raté le reste de la saison, ennuyé par de sévères symptômes de commotion.

« La liste de ses exploits est très longue », a souligné Milan Lucic, son ancien coéquipier, qui vient de revenir avec les Bruins en vue de la saison 2023-24 après avoir quitté Boston pendant huit ans. « J'étais là lorsqu'il traversait cette difficile épreuve de la commotion de 2007. C'était impressionnant de le voir travailler pour revenir au niveau élite lors de la saison suivante et celle d'après. Il a tellement investi de temps et de travail pour y parvenir.

« Quand tu le vois relever ce défi et devenir le joueur qu'il est devenu, il n'y a pas grand-chose d'autre à dire de plus. »

C'est lors de la saison suivante (2008-09) que Mark Recchi est arrivé à Boston, lui qui s'approchait de la fin de sa carrière qui l'a mené au Temple de la renommée. Il a alors rencontré Bergeron, qui tentait de se remettre sur pieds à l'âge de 23 ans.

« Il respectait les leaders, mais il en était déjà un », a souligné Recchi, qui est devenu un compagnon de trio du Québécois à Boston. « C'est un leader naturel. »

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Trois saisons plus tard, à ses derniers moments dans la LNH, Recchi a remis la Coupe à Bergeron.

« Est-ce qu'il y aura un autre Patrice Bergeron? Probablement pas, a affirmé Recchi. C'est un joueur plutôt spécial dans sa façon de jouer, mais aussi par la personne qu'il est. Il a aidé à établir cette culture.

« Son héritage, c'est la qualité de son leadership. C'est un joueur formidable, et quand on ajoute le type de personne qu'il est, c'est impossible de faire mieux. Toutes les équipes voudraient avoir un gars comme lui pour mener leur concession, je vous l'assure. »

L'héritage de Bergeron continuera d'avoir un impact au sein de l'organisation bien après son départ. Il aura été un des joueurs les plus complets, un des meilleurs leaders et un des joueurs les plus respectés de tout le sport. Il aura vite fait de retirer l'étiquette de sous-estimé qui accompagne les joueurs repêchés en deuxième ronde comme lui.

Mais il est maintenant temps pour lui de se retirer. Son épouse Stéphanie et lui ont récemment accueilli leur quatrième enfant, Félix, et Bergeron avait décidé que la journée où il aurait 38 ans, ce serait la fin de sa carrière.

« Même s'il s'agit d'une étape difficile, je suis pleinement conscient de mon privilège et de ma chance d'avoir eu une si belle carrière et de pouvoir choisir le moment pour me retirer du sport que j'aime tant, a-t-il écrit. Ma décision n'a pas été prise à la légère. J'ai consulté ma famille et écouté mon corps, si bien que je suis convaincu que c'est le bon moment pour tirer ma révérence. »

Lorsqu'on prend un pas de recul pour se remémorer la carrière de Bergeron, il est facile de constater à quel point il aura excellé. Une carrière qui devrait le mener au Temple de la renommée.

« C'est un gars qui est incroyablement respecté par tout le monde dans la Ligue, a souligné Backes. Il a tout fait de la bonne façon. C'est une carrière magnifique, et il a fait un boulot incroyable pour représenter Boston en étant un joueur efficace partout sur la patinoire.

« Si une équipe pouvait avoir 20 joueurs comme lui dans sa formation, elle gagnerait tous les jours parce qu'il était si bon. »