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John Tortorella arborera l'air renfrogné qu'il a arboré pendant la majorité de ses 1499 matchs précédents comme entraîneur dans la LNH lorsqu'il prendra place derrière le banc des Flyers de Philadelphie, vendredi.

Et comme d'habitude, ça va faire rire Mike Sullivan.

« Il a perfectionné ce truc, ne vous y trompez pas », a confié Sullivan, l'entraîneur des Penguins de Pittsburgh qui a passé six saisons à titre d'adjoint à Tortorella avec trois équipes. « Il fait ça de manière délibérée. »

En 22 saisons à la tête des Rangers de New York, le Lightning de Tampa Bay, les Canucks de Vancouver, les Blue Jackets de Columbus et les Flyers, Tortorella a compilé une fiche de 723-590-149 avec 37 verdicts nuls. Il occupe le 11e rang de tous les temps pour les victoires, et le deuxième parmi tous les entraîneurs nés aux États-Unis, derrière l'entraîneur des Rangers Peter Laviolette (776).

Les équipes de Tortorella se sont qualifiées pour les séries éliminatoires de la Coupe Stanley 12 fois, et il a notamment mené le Lightning de 2003-04 à la conquête de la Coupe Stanley.

Sa manière de diriger ses équipes a été décrite par plusieurs adjectifs au fil des années, et la majorité d'entre eux sont peu flatteurs.

Mais ceux qui le connaissent à l'extérieur de la patinoire brossent un tableau différent de lui.

« Il possède une nature tellement humble qui est très attachante », a affirmé Lisa Bonanno-Spence, directrice du développement à la SPCA Westchester à Briarcliff, dans l'État de New York. « Il était si gentil envers nous. »

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Scott Hartnell, qui a passé deux saisons sous les ordres de Tortorella avec les Blue Jackets (2015-17), a dit : « Il est un personnage à la patinoire, et un autre en dehors. Il est un homme très gentil qui aime sa famille et qui se soucie des autres. »

Et puis il y a Lindsay Pennal, qui qualifie Tortorella de « chaleureux ».

« Il est l'une des personnes les plus sympathiques et chaleureuses que j'ai déjà rencontrées, et pas seulement dans le cadre de mon travail », a affirmé Pennal, directrice générale de l'Association des entraîneurs de la LNH. « Ça ne transparaît jamais dans les médias. Il est plutôt reconnu comme le "Torts" que l'on voit à la télé. »

Les différences entre le personnage public et l'homme qu'il est en privé peuvent être majeures, mais c'est ainsi que Tortorella s'est frayé un chemin vers le succès et la longévité dans un domaine où il est difficile d'atteindre ces deux objectifs.

« Je ne vous dirai pas qu'il est "M. Personnalité" », a avoué Christine Tortorella, épouse de John. « Quand il est devenu grand-père pour la première fois, nous lui avons donné un chapeau qui dit "Grumpa" (grognon-papa)… il est un très bon homme, mais il n'est pas sans imperfection. »

Hartnell a vu les deux côtés de Tortorella de très près pendant leur séjour à Columbus, lui qui a été laissé de côté pour plusieurs matchs, mais qui a aussi eu une conversation mémorable avec son entraîneur dans le vestiaire.

« Mes frères et mes neveux sont venus à un match et je leur montrais le vestiaire à Columbus. Je disais à mes frères que [Tortorella] était si injuste envers moi, qu'il m'avait retranché dans trois des quatre derniers matchs, que je jouais bien, et cetera, a raconté Hartnell. Essentiellement, je critiquais Torts et le fait qu'il ne voyait pas comment je pouvais aider l'équipe. Torts est entré dans le vestiaire à ce moment-là, et il m'a demandé, "Oh Scott, est-ce ton frère? Ce sont tes neveux?" Je lui ai dit oui, et il s'est arrêté pour parler avec nous pendant quelques minutes. Il leur a dit de savourer l'expérience et de lui faire signe s'ils avaient besoin de quoi que ce soit. Ils m'ont regardé pour me dire : "C'est l'homme le plus gentil de tous les temps". Je leur ai répliqué, "Ce n'est pas comme ça d'habitude."

« Mais il se soucie vraiment de toi… il y a le personnage que tout le monde connaît et dont tout le monde a peur, mais au bout du compte, il est également un gros nounours. »

Quand Hartnell a pris sa retraite en 2018, l'une des premières personnes qui lui ont téléphoné a été Tortorella.

« Il est probablement l'un des derniers gars de qui je m'attendais recevoir un appel, a admis Hartnell. Il m'a dit "S'il y a n'importe quoi que je peux faire pour toi, Scott, fais-moi savoir." »

Cam Atkinson a également eu une relation en dents de scie avec Tortorella au cours de leurs six saisons à Columbus entre 2015 et 2021. Mais quand les Flyers cherchaient un nouvel entraîneur en 2022, Hartnell et lui ont fait partie des premiers à se porter garant de Tortorella.

« À mon avis, il est un entraîneur digne du Temple de la renommée, a expliqué Atkinson. Il ne sera pas le favori de tout le monde. Il y a eu des moments où il m'a durement critiqué. Mais je crois qu'il m'a aidé à devenir non seulement le joueur que je suis actuellement, mais aussi l'homme que je suis devenu. »

Sullivan, qui a fait partie du personnel de Tortorella avec le Lightning, les Rangers et les Canucks, a ajouté : « Il y a une image de lui et puis il y a la réalité. Il est un homme très exigeant, mais qui se soucie de tous ses joueurs. Il travaille extrêmement fort et il pousse ses joueurs extrêmement fort afin d'obtenir leur meilleur effort. C'est son mode de fonctionnement. Et la seule raison pour laquelle il agit ainsi, c'est parce qu'il se soucie d'eux. Et les victoires lui importent.

« Je crois que ses joueurs le comprennent avec le temps. Ce n'est probablement pas l'impression initiale, mais avec le temps, à mesure qu'ils apprennent à le connaître, qu'ils voient quel genre d'homme il est et ce qu'il représente, je pense que les joueurs deviennent beaucoup plus reconnaissants de sa façon d'agir. »

Tortorella cache son côté gentil de la majorité du monde de hockey, mais il baisse facilement sa garde en ce qui concerne les causes caritatives qui lui importent le plus, surtout celles qui touchent au bien-être des animaux.

Il participe notamment à un balado quotidien appelé « Hockey and Hounds », où il discute des Flyers tout en tentant de trouver une famille à un chien de la SPCA de Philadelphie.

Gillian Kocher, directrice des relations publiques de la PSPCA, a admis avoir été nerveuse quand Tortorella a communiqué avec elle pour lui faire part de son idée de travailler avec l'organisation en raison de sa réputation. Mais ces inquiétudes se sont dissipées presque immédiatement.

« J'ai découvert que quand tu lui parles du bien-être des animaux, surtout des chiens, il ne se tait jamais, a-t-elle noté. C'est très différent de ses entrevues avec les médias, quand il offre des réponses d'un ou deux mots. Et il est très passionné envers la cause. J'ai vécu une expérience diamétralement opposée à celle que je m'attendais à vivre avec lui. Il est tellement gentil avec nous, il ne veut que nous aider. »

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Le bien-être des animaux est depuis longtemps une cause pour laquelle Tortorella est reconnu. Pendant son séjour avec les Rangers, Tortorella visitait la Westchester Shore Humane Society à Harrison, dans l'État de New York, avant et après les séances d'entraînement et les matchs afin de promener des chiens et passer du temps avec eux.

Le complexe était toutefois dans un tel état de décrépitude qu'en 2012, John et Christine Tortorella ont participé à un procès qui a mené à la fermeture du complexe.

Les animaux ont finalement été transférés à la SPCA Westchester, qui a fourni aux chiens le traitement dont ils avaient besoin, et un an plus tard, Bonanno-Spence a annoncé que presque tous les animaux rescapés avaient été adoptés.

L'implication des Tortorella a mené la John and Christine Tortorella Family Foundation à mettre sur pied le programme The Way Home, qui paye un dresseur à temps plein pour travailler avec des chiens aux prises avec des problèmes de comportement afin d'améliorer les chances qu'ils soient adoptés.

« Nous recueillons tant d'animaux, et certains d'entre eux ont besoin de dressage très simple, a expliqué Bonanno-Spence. Heureusement, certains d'entre eux sont très adoptables, parce qu'ils s'entendent bien avec les chiens, les chats et les enfants. Mais il y en a toujours certains qui n'ont pas eu droit à la socialisation dont ils avaient besoin quand ils étaient plus jeunes ou qui n'ont pas été bien traités. Ce sont les animaux qui passent souvent entre les mailles du filet. C'est pourquoi ils voulaient avoir un dresseur présent qui pouvait se consacrer aux animaux à temps plein. »

Des organismes de bienfaisance pour les militaires sont également chers aux yeux de Tortorella, en partie parce que son fils Nick est membre des Rangers de l'Armée des États-Unis.

Alors quand Atkinson a abordé l'idée de collecter des fonds afin d'acheter un chien-guide pour un membre de l'équipe de hockey des Flyers Warriors, Tortorella a pris des dispositions pour que sa fondation s'unisse au Force Network Fund d'Atkinson, à l'organisme Flyers Charities, et à l'Association des anciens des Flyers pour offrir un don de 30 000 $.

Cindy Stutman, directrice générale de Flyers Charities, a confié que c'était la première fois au cours de son passage de 25 ans avec l'organisation qu'elle a vu un joueur, l'entraîneur, l'équipe et les anciens travailler de concert d'une telle manière.

« C'est une chose que Torts fait, a souligné Atkinson. Si tu posais la question à d'autres entraîneurs ou des membres de son personnel avec qui il a travaillé avec toutes les autres équipes, ils seraient les premiers à vous dire qu'il est l'un des seuls gars, sinon le seul gars, qui t'appelle à ton anniversaire, ou pendant les fêtes, ou si un membre de ta famille est malade, juste pour voir comment il va. Je pense que ça en dit long. »

Tortorella travaille également en coulisses afin d'aider la prochaine génération d'entraîneurs.

Pennal a noté que Tortorella participe au programme des entraîneuses de l'AELNH, et que l'entraîneuse de l'équipe de hockey féminin à l'Université Princeton Cara Morey a pris part au camp de développement et au camp d'entraînement des Flyers cette saison.

La saison dernière, il a permis à ses adjoints Brad Shaw, Rocky Thompson et Darryl Williams de passer un match chacun dans le rôle d'entraîneur-chef après que les Flyers eurent été éliminés de la course aux séries.

« Je ne me suis jamais senti comme un entraîneur adjoint, a confié Sullivan. Je me suis senti comme un coentraîneur. Nous avons acquis de l'expérience ensemble et nous avons dirigé l'équipe ensemble. Nous nous présentions à la patinoire chaque jour et nous tentions de trouver des solutions pour aider notre équipe à se développer et à s'améliorer. Je ne me suis jamais senti comme un entraîneur adjoint pendant toutes les années que j'ai passées avec lui. »

Tortorella atteindra une marque importante quand le match commencera à Seattle. Le directeur général des Flyers Daniel Brière espère que Tortorella savourera le moment un peu plus qu'il l'avait fait le 23 mars après avoir signé sa 700e victoire.

« Nous lui avons donné la rondelle après le match, mais il ne voulait pas en entendre parler, a raconté Brière. Il ne voulait pas en discuter. Mais c'est Torts. Il ne se préoccupe pas de lui-même. Tout ce qui lui importe, c'est l'équipe. »

La réaction publique de Tortorella à l'occasion de son 1500e match comme entraîneur risque d'être similaire. Mais comme ce fut le cas au cours d'autres moments marquants de sa carrière, sa réaction en privé risque d'être différente.

« Je ne crois pas qu'il minimise ces moments, mais je crois qu'il n'aime pas s'y attarder. Je crois qu'il se dit: "C'est un jeu, je suis entraîneur, j'ai 65 ans et j'ai cumulé des matchs", a déclaré Christine Tortorella. Je ne pense même pas qu'il tente d'être modeste. Je crois qu'il l'accepte sans sourciller et qu'il pense que c'est super qu'ils organisent de belles choses pour lui. … C'est possible qu'il célèbre sobrement avec tout le monde qui est heureux pour lui. »

Et comme tous ceux qui le connaissent mieux diraient: « C'est ça Torts ».

« Ce que les gens disent à propos de toi quand tu n'es pas présent en dit long sur ton caractère, a résumé Pennal. Et on le comprend mieux quand on entend tout ce que les gens disent au sujet de Torts quand il n'est pas dans la pièce. »

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